Mayotte est un petit archipel de l’océan Indien situé dans l’archipel des Comores entre Madagascar et la côte du Mozambique. Le 101e département français déjà traversé par une grève générale de plusieurs semaines au début de l’année 2018, connaît actuellement une activité sismique inquiétante qui dure depuis plus de deux semaines dans un silence médiatique assourdissant. 700 secousses en 2 semaines, dont la plus forte de 5,8° sur l’échelle de Richter.
Les médias parisiens semblent totalement se désintéresser de l’issue de cette situation. Seuls des médias locaux et quelques médias réunionnais ou comoriens informent régulièrement l’opinion sur ce qui se déroule ici.
La situation géographique de Mayotte dans le canal du Mozambique pourrait expliquer cette situation sismique hors-norme.
En effet, la source de cette activité serait la ride de Davie, qui est la dorsale de séparation du continent africain et de Madagascar. C’est cet étirement de la plaque qui serait à l’origine des séismes d’après certains spécialistes comme le docteur en géophysique Jean Roger.
Néanmoins Mayotte n’est habituellement pas soumise à de tels essaims de séismes, comme c’est le cas en ce moment avec cette magnitude anormale. Effectivement, l’île aux parfums se situe en zone sismique modérée (niveau 3) et il n’y a pas de grosse faille à proximité, contrairement à la Guadeloupe ou la Martinique situées en « zone à risque fort » (niveau 5).
Ce phénomène d’essaim, très différent de la séquence « séisme principal + répliques » observée habituellement, correspond à une succession de séismes qui surviennent à un endroit donné sur une période plus ou moins longue. Il est par ailleurs impossible d’en déterminer la fin.
En France hexagonale, la vallée de l’Ubaye est connue pour ses essaims de séismes. Par exemple, l’essaim de 2003-2004 à La Condamine-Châtelard a compté plus de 16 000 séismes inférieurs à 3 sur l’échelle de Richter. Or, il arrive parfois que ces essaims donnent naissance à de plus gros séismes, comme celui de magnitude 6,3 à L’Aquila dans le centre de l’Italie en 2009, avec un bilan de 308 morts.
Des centaines de secousses
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) suit cette situation inédite de très près. Depuis deux semaines, chaque jour et chaque nuit, la terre tremble et la population prend peur. [En tout, plus de 700 secousses et environ soixante-dix ressenties par les habitants.
>
Depuis le début des événements, les séismes ont généralement une magnitude supérieure à 4 sur l’échelle de Richter et leur épicentre se site entre 45 et 60 km à l’est de Mamoudzou. Le pic de 5,8 a été enregistré le 15 mai, mais d’autres s’en approchent. Par exemple, dans la nuit du 20 au 21 mai, trois secousses ont largement dépassé les 5 de magnitude. En effet, la plus grosse a été estimée à 5,5 par le BRGM. Le record de 5,2 de 1993 est donc pulvérisé !
Plus récemment, après une accalmie, le vendredi 25 mai au matin, 9 séismes de 4 à 5,5 de magnitude ont été ressentis.
Dans tous les cas, sur un territoire où de nombreuses habitations respectent rarement les normes nationales et sont souvent construites dans de zones instables, la situation est potentiellement critique si de telles secousses se poursuivent. Sans parler des nombreux bidonvilles qui abritent une forte population clandestine.
De son côté, la Préfecture est en alerte (cellule de crise activée) et informe le public sur les comportements à adopter. Elle indique par ailleurs sur son site internet que « l’activité sismique reste anormale et perdure ». Elle rappelle également que la durée de l’activité sismique est impossible à prévoir mais écarte pour l’instant les risques de tsunamis.
Dans ce climat anxiogène, les Mahorais suivent tant bien que mal les instructions préfectorales et de la Croix-Rouge diffusées en français et en shimaoré pour se protéger en cas de secousses et informent les mairies en cas de fissures sur les murs de leurs habitations.
Face à l’inquiétude : des prières et des rumeurs
En cette période de Ramadan, nombreux sont ceux à expliquer ce phénomène comme le résultat de la colère divine. Nombre de prières collectives sont ainsi organisées, comme hier soir dans le quartier de Cavani. Les habitants de Mayotte, pris de cours par le caractère inédit de la situation, s’en remettent à Dieu pour calmer la terre et se rassurer.
En parallèle, face à l’incertitude des experts et des autorités, de nombreuses rumeurs se font jour sur les réseaux sociaux. Certains estiment par exemple que ces secousses sont les conséquences de forages secrets dans la région, ou même d’essais nucléaires. D’autres lancent de fausses informations en annonçant des séismes monstrueux pour la nuit qui vient. Des scènes de panique nocturne ont d’ailleurs été observées et la police enquête sur ces agissements.
Enfin, des dizaines d’internautes à l’aide d’applications sur leur smartphone remettent en cause les indications du BRGM, parfois accusé de minimiser l’intensité et le nombre des secousses.
Fatalement, ce climat anxiogène est mal vécu par la population, surtout par les plus jeunes et les plus âgés. Beaucoup d’enfants sont traumatisés par les tremblements de terre et les parents sont désemparés face à des événements complètement inédits.
Quoi qu’il en soit, l’Etat français se préparerait à tous les scénarios possibles, y compris à celui d’une catastrophe naturelle de grande ampleur… Sans inquiéter pour l’instant la population de l’Hexagone.