Total a licencié, le 3 août, un employé français qui avait refusé à trois reprises d’être muté au Nigeria. L’homme de 45 ans craignait pour sa sécurité et celle de sa famille, notamment en raison des enlèvements fréquents d’expatriés. Alors que le géant pétrolier et gazier justifie sa décision par une violation de contrat, les syndicalistes s’inquiètent pour d’autres salariés qui pourraient connaître le même sort.
Licencié pour un refus de mutation au Nigeria. Le 3 août, Total a renvoyé l’un de ses salariés basé à Pau (Sud de la France) pour avoir refusé un poste de responsable géologue dans cet Etat fédéral ouest-africain. L’homme de 45 ans, employé depuis 1992, a décliné à trois reprises l’offre proposée pour la première fois en avril. Il évoquait sa situation familiale et la dégradation de la sécurité au Nigeria, où quelque 200 expatriés ont été kidnappés depuis 2006 dans la région pétrolifère de Port-Harcourt.
« Violation des obligations contractuelles »
Le 8 février dernier, Gérard Laporal, en contrat local avec le géant pétrolier, a d’ailleurs été kidnappé puis libéré. Un évènement qui a fait du spécialiste logistique le premier Français enlevé dans cette région. Le 2 août, c’était au tour de l’un des 900 employés nigérians de Total d’être victime d’un rapt dans cette même zone.
Le groupe mondial pétrolier et gazier a toutefois affirmé que le père de deux enfants remercié devait travailler à Lagos, où « la sécurité de nos salariés est assurée » et « reste notre première priorité ». Il ajoute que « la direction des ressources humaines a tout fait pour trouver un compromis et réfléchir à une solution qui l’aurait satisfait ». Ne parvenant pas à un accord, la direction des ressources humaines (DRH) s’est dite « contrainte de procéder à son licenciement ».
Dans la lettre rendant acte de la décision, dont l’AFP a obtenu une copie, la DRH souligne que le « refus d’accepter une mobilité géographique à échéance d’un an vers le Nigeria constitue une violation (des) obligations contractuelles ». Elle précise que la « mobilité géographique » mentionnée dans « l’article 3 [du] contrat de travail [de l’employé] se traduit par des missions tant en France qu’à l’étranger ».
D’autres salariés menacés
Les syndicats de travailleurs de Total dénoncent cette obligation, estimant que les missions à risques devraient uniquement se faire sur « la base du volontariat ». D’autre part, les syndicats craignent que d’autres employés soient mis à la porte. « Au vu de la situation qui empirait au Nigeria en 2006, les expatriés ont été rapatriés avec leur famille, raconte Benoît Clergeat, président de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) de Total. Ensuite, des salariés sont repartis seuls mais avaient quand même la possibilité de revenir. Il fallait alors les remplacer et on a proposé leur poste à des salariés d’ici, qui n’ont d’autre choix que d’accepter en raison de leur contrat. »
Résultat : chez Total, l’ambiance est lourde. Plusieurs employés auraient fait l’objet de pressions. « Les salariés sont très inquiets. Le climat salarial se dégrade, d’autant que lors des réunions certains responsables ne se sont pas cachés de faire un exemple de cet employé pour intimider le reste des salariés », souligne Benoît Clergeat, qui confie qu’il n’est « peut-être pas anodin que le licenciement se soit passé fin juillet-début août, quand les gens sont en vacances ».
Il faut dire que l’enjeu est colossal pour Total car Elf Petroleum Nigeria Limited, sa filiale nigériane, se classe en troisième position dans le groupe en termes de production pétrolière. Benoît Clergeat espère cependant que la couverture médiatique de « cette affaire amènera la direction à faire preuve de plus de discernement et de dialogue avec le personnel ».