La controverse sur le voile fait son grand retour. Un groupe de députés français de droite et de gauche a proposé, jeudi, de mettre en place une commission d’enquête parlementaire sur le port de la burqa et du niqab. Une décision que la communauté musulmane observe avec défiance.
Lumière sur le voile. Tous les projecteurs se sont braqués, jeudi, sur l’Assemblée nationale et plus précisément sur 58 députés français. Motif : les élus (dont 43 Union du mouvement populaire UMP, 7 socialistes, 3 communistes et 2 Nouveau centre, ndlr) ont souscrit à la proposition du communiste André Gerin (Rhône) de créer « une commission d’enquête sur la pratique du port de la burqa et du niqab [[Ces tenues recouvrent le visage et le corps des femmes.]] sur le territoire national ». « Dans ma circonscription des Pyrénées-Orientales, qui est très rurale, il n’y a pas de femmes qui portent la burqa ou le niqab», observe la députée UMP Jacqueline Irles, pourtant signataire de cette demande d’enquête parlementaire. Interrogée par Afrik.com, la députée UMP s’explique : « j’ai été interpellée par des femmes sur ce phénomène et j’ai été touchée. En tant que mère et en tant qu’élue, cette question me concerne ; le port de la burqa est une atteinte à la dignité de la femme ». Cette pratique, liée au salafisme, un courant rigoriste de l’islam, est jugée « marginale » par les associations musulmanes.
« C’est une manière de stigmatiser la communauté musulmane »
Cinq ans après la loi sur le port de signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, le débat sur les pratiques religieuses dans un cadre laïc et républicain refait surface. Déjà, le 4 juin dernier, l’allusion de Barack Obama au port du voile avait déclenché la controverse. « Il importe que les pays occidentaux évitent d’empêcher les musulmans de pratiquer leur religion comme ils le souhaitent, par exemple en dictant ce qu’une musulmane devrait porter », avait lancé le président américain lors de son discours au Caire. Une déclaration qui avait été perçue comme une attaque par certains pays européens dont la France. Fait exprès ou pure coïncidence, cette commission d’enquête, en tout cas, apparait deux semaines après l’allocution de Barack Obama. « Le discours du président américain a lancé le coup d’envoi et la France a aussitôt répondu présente ! », critique le recteur de la mosquée de Lyon. Pour Kamel Kabtane, ce débat sur la burqa et le niqab n’a pas lieu d’être. « C’est une manière de stigmatiser la communauté musulmane. Personnellement, ces tenues, ce n’est pas ma culture. Elles ne sont pas imposées par le Coran. La place de la femme dans notre société est très importante, si je voyais un jour que la pratique de la burqa était subie, je la condamnerais», ajoute-t-il.
Une atteinte aux libertés individuelles ?
Pour l’instant, la commission d’enquête propose de faire « l’état des lieux » et de « réfléchir sur des solutions » avec les communautés religieuses sur l’ampleur de ce phénomène. « Il n’est pas question d’interdire la burqa dans l’immédiat », déclare Jacqueline Irles. Selon le document rédigé par la commission d’enquête : « l’obligation de retirer le niqab ou la burqa pourrait être justifiée par des buts légitimes qui sont les exigences de la sécurité publique, d’identification des personnes ou encore la protection des droits et liberté d’autrui ». Reste que cette question sur le port de la burqa et du niqab dépasse, pour certains, le cadre laïc et représente une atteinte aux libertés individuelles. « C’est une tendance générale, on commence par l’Islam, parce que c’est le maillon le plus faible, pour bafouer les droits fondamentaux. La diversité en France ça n’existe pas », note Mohammed Colin, le directeur de la publication du quotidien musulman en ligne, Saphir news.
Il y a tout juste un an, le 27 juin 2008, le Conseil s’était opposé à l’octroi de la nationalité française à une femme portant la burqa. Le juge administratif avait considéré que l’intéressée avait adopté « au nom d’une pratique radicale de sa religion un comportement en société incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française et notamment avec le principe d’égalité des sexes ».
Le débat sur le port de la burqa et du niqab n’est pas prêt de s’arrêter en France. « Les questions religieuses passionnent l’Hexagone et puis en attendant, on ne parle pas des réalités économiques du pays », estime Kamel Kabtane. Les députés devraient rendre leur rapport le 30 novembre. Affaire à suivre.