Curieux défilé à Paris, cette semaine : avec la visite officielle d’Abdoulaye Wade, la visite privée de Laurent Gbagbo, la visite éclair d’Omar Bongo, ce sont tous les partenaires de premier plan de l’Afrique francophone qui ont successivement déjeuné avec le Président Jacques Chirac, avant de s’entretenir, chacun à leur tour, avec le Premier Ministre Lionel Jospin.
Curieux défilé, si l’on songe que Thabo Mbeki est de son côté passé à Londres pour discuter avec le Premier Ministre anglais, Tony Blair. Décidément, l’Afrique reste un continent frère de l’Europe, et les grandes échéances qu’affrontent les diplomaties et les économies africaines se préparent encore en concertation avec les puissances européennes : c’est le cas de l’élection prochaine du Secrétaire général de l’OUA, comme de l’adoption par la communauté internationale de l’un des deux plans de relance de l’Afrique, le plan Omega, soutenu par Wade, le plan Millenium, élaboré par Thabo Mbeki et Abdelaziz Bouteflika.
A ces enjeux majeurs, les dirigeants de l’Afrique francophone ajoutent d’autres considérations : le discours de la France, tenant désormais la balance égale entre anglophones et francophones, et son tangible désengagement dans plusieurs domaines (Air Afrique en étant le symbole) ne passe plus. Aux dirigeants français qui affaiblissent progressivement leur propre pays en jouant le jeu de la mondialisation, de la dilution diplomatique dans l’ensemble européen, de la passivité face aux demandes d’assistance qui leur sont lancées, les trois hommes d’Etat africains sont venus dire, avec courtoisie, que la solidarité internationale exemplaire qu’ils marquent avec la France a aussi un prix, et qu’elle ne peut pas, même au nom de grands principes, se passer de contrepartie.
La contrepartie ? C’est le soutien de la France, au sein de l’Europe, aux réformes agricoles et au plan d’équipement et de relance d’Abdoulaye Wade. C’est le soutien de la France, au sein de l’Europe, à la reprise de relations économiques normales avec la Côte d’Ivoire, qui a assez payé le Coup d’Etat de Gueï. C’est enfin l’engagement d’Air France aux côtés de la compagnie Air Afrique dont elle est l’un des gros actionnaires. Et cette triple contrepartie ne paraît pas exagérée.