L’ouvrage collectif publié chez Philippe Rey et préfacé par Leïla Slimani retrace treize siècles d’histoire partagée entre la France et le Maghreb. À travers une exploration approfondie des liens historiques, culturels et sociaux qui unissent ces territoires, ce livre éclaire l’identité française sous l’angle de ses relations avec l’Afrique du Nord. Enrichi d’une postface de l’historien Benjamin Stora, spécialiste des relations franco-algériennes, il met en lumière une histoire complexe qui continue de façonner la France d’aujourd’hui.
Un ouvrage collectif pour une mémoire commune
Dirigé par Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Yvan Gastaut et Naïma Yahi, France, terre d’immigration rassemble le travail de plus de quarante spécialistes. Ce texte de synthèse met en lumière une histoire complexe et souvent méconnue entre la France et le Maghreb.
La préface signée Leïla Slimani donne le ton : un plaidoyer pour la reconnaissance de ce passé partagé et pour une identité française enrichie par ces échanges historiques.
La postface de Benjamin Stora, historien des relations franco-algériennes, conclut l’ouvrage en insistant sur l’importance de reconnaître ces mémoires pour relever les défis contemporains.
Une présence maghrébine majeure en France aujourd’hui
Les chiffres récents de l’INSEE témoignent de l’importance des liens entre la France et le Maghreb : en 2023, près de 29% des 7,3 millions d’immigrés en France sont originaires du Maghreb. L’Algérie arrive en tête avec 12,2% des immigrés, suivie du Maroc (11,7%) et de la Tunisie (4,8%). Cette forte présence maghrébine, qui représente près d’un tiers de la population immigrée, s’inscrit dans une histoire profonde et complexe.
L’histoire des relations entre la France et l’Algérie occupe une place centrale dans l’ouvrage. Dès le XIXe siècle, avec la conquête de 1830, l’Algérie devient une colonie française, marquant le début d’un lien indéfectible mais douloureux. La présence française en Algérie s’accompagne d’une migration importante d’Algériens vers la métropole, notamment pour répondre aux besoins industriels de la France.
La Première et la Seconde Guerre mondiale voient l’appel massif de soldats et travailleurs algériens, un effort rarement reconnu à sa juste valeur. Après la guerre d’indépendance de 1954-1962, marquée par des violences et des exodes massifs, la présence algérienne en France se renforce avec l’arrivée de travailleurs et de familles cherchant à reconstruire leur vie dans un contexte post-colonial difficile. Le traumatisme de cette période continue d’influencer les débats sur l’immigration et l’identité nationale en France.
Les contributions de l’ouvrage rappellent également l’apport culturel des Algériens à la société française, du cinéma à la musique, en passant par la littérature, et mettent en lumière des figures emblématiques comme Kateb Yacine ou Mohammed Dib.
Le Maroc : entre migrations et échanges culturels
Les relations entre la France et le Maroc sont également riches et complexes. Le protectorat français instauré en 1912 a profondément influencé les structures sociales et économiques marocaines. Durant cette période, de nombreux Marocains ont migré vers la France pour travailler dans des secteurs clés tels que l’industrie minière et la construction.
Après l’indépendance du Maroc en 1956, cette migration se poursuit et s’intensifie pendant les Trente Glorieuses, une période où la France a un besoin accru de main-d’œuvre. Aujourd’hui, la diaspora marocaine représente une part significative de la population immigrée en France, avec des contributions notables dans les domaines de l’entrepreneuriat, de l’artisanat, et de la culture.
L’ouvrage souligne également le rôle de figures culturelles franco-marocaines telles que Tahar Ben Jelloun et Leïla Slimani, qui ont contribué à enrichir la littérature française en portant des récits de la double identité franco-marocaine.
La Tunisie : une relation marquée par l’éducation et la politique
La relation entre la France et la Tunisie se distingue par une histoire marquée par le protectorat établi en 1881 et une forte influence culturelle et éducative. La présence française a introduit des réformes éducatives qui ont laissé une empreinte durable sur le système scolaire tunisien. De nombreux Tunisiens ont choisi la France pour poursuivre leurs études, donnant naissance à une élite intellectuelle franco-tunisienne.
La migration tunisienne vers la France s’accélère après l’indépendance en 1956. Les travailleurs tunisiens se sont intégrés dans des secteurs variés, et leurs enfants ont contribué à l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes, d’écrivains et de militants. Des personnalités comme Albert Memmi et Hédi Kaddour incarnent cette richesse culturelle franco-tunisienne.
Un ouvrage nécessaire face aux enjeux contemporains
France, terre d’immigration éclaire également les tensions contemporaines liées à l’immigration et à l’identité. L’ouvrage rappelle que les débats actuels sur l’intégration et le vivre-ensemble s’inscrivent dans une histoire longue et complexe. Reconnaître ces liens historiques entre la France, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie permet de dépasser les clichés et de construire une mémoire partagée.
Cet ouvrage est une invitation à repenser l’histoire de la France comme celle d’une terre de rencontres, d’échanges et de métissages. Il offre des clés pour comprendre les enjeux actuels et plaide pour une société française capable d’embrasser toutes ses mémoires, avec lucidité et ouverture.