28 octobre 2003. Le texte final du projet de loi sur l’immigration du ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a été définitivement adopté. Allongement de la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière, création d’un fichier d’empreintes digitales, attestation d’hébergement plus difficile à obtenir, remise en cause de la carte de résident… Les nouvelles dispositions entreront en vigueur en 2004.
Le Parlement français a définitivement voté, le 28 octobre, le texte final du projet de loi sur l’immigration proposé par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy et adopté en juillet dernier par l’Assemblée nationale. Sans surprise, les groupes UMP[[<1>Union pour un mouvement populaire]] et UDF[[<2>Union pour la démocratie française]] (droite) ont voté pour, les groupes PS[[<3>Parti socialiste]] et PC[[<4>Parti communiste]] (gauche) contre. « C’est un texte à courte vue qui remet en cause notre tradition d’hospitalité », a expliqué le communiste André Gerin. « Ce texte va rendre l’intégration plus difficile », a dénoncé le député socialiste Christophe Caresche qui a même affirmé que le PS comptait saisir le Conseil constitutionnel contre ce projet.
Nicolas Sarkozy se félicite d’avoir su allier « fermeté et attachement à l’humanité ». Pour autant, la seule trace d’humanité se trouve dans la réforme du régime de la double peine pour les étrangers condamnés en France. L’éloignement du territoire ne pourra plus être prononcé contre les étrangers nés en France et y vivant depuis leur enfance (avant 13 ans), ainsi que contre ceux qui y résident depuis 20 ans, ou 10 s’ils y ont fondé une famille. Pour le reste, le texte n’est que l’affirmation d’une « politique intransigeante », selon les mots de Nathalie Ferré, présidente du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti).
Attestation d’hébergement payante
Florilège : les demandeurs de visas (même touristiques) devront laisser leurs empreintes digitales aux consulats français dans le but de créer un fichier. L’attestation d’hébergement sera plus difficile à obtenir : elle devient payante (l’hébergeant devra verser 15 euros par personne hébergée) et le maire peut la refuser en cas de mauvaises conditions d’hébergement ou s’il soupçonne une « fraude ». L’hébergeant devra aussi s’engager à prendre en charge les frais de séjour et de rapatriement en cas de « manquement » de son hôte.
La durée maximale de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière est portée de 12 à 32 jours. Seul point positif : le délai de recours contre un arrêté de reconduite à la frontière est, lui, étendu de 48 à 72 heures. C’est la seule petite concession accordée aux associations qui se battent pour les droits des immigrés. En ce qui concerne le mariage, le durée de vie commune est portée de 1 à 2 ans pour accorder à un conjoint de Français la carte de résident. Organiser, contracter ou tenter de contracter un mariage simulé est puni de 5 ans de prison et 15 000 euros d’amende (10 ans et 750 000 euros pour les bandes organisées).
« Le pire projet de loi depuis 1945 »
Pour Nathalie ferré, le projet de loi « précarise le séjour en France des étrangers car il remet en cause le principe de la carte de résident de 10 ans. Le texte remet aussi en cause la délivrance de la carte de 10 ans pour la famille des étrangers entrée grâce au regroupement familial. » En effet, l’obtention de la carte de résident pour les personnes venant en France dans le cadre du regroupement familial sera soumise à condition : intégration satisfaisante et deux ans de présence sur le sol français. « Un ensemble de mesures qui constitue, avec la loi Pasqua de 1993, la remise en cause la plus fondamentale du statut des étrangers en France depuis 1984, date à laquelle le législateur a institué par un vote à l’unanimité le titre unique de séjour et de travail valable 10 ans. »
Quant à Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’Homme, il avait affirmé, le 7 octobre dernier lors d’une réunion organisée par le Gisti à la Bourse du travail à Paris, que le projet de loi était « le pire depuis 1945 ». Et encore. Le pire, justement, était à prévoir. Un amendement, heureusement refusé à droite comme à gauche, prévoyait que les étrangers travaillant sans autorisation et sans papiers soient passibles d’une amende de 3 750 euros et d’une interdiction de territoire de 3 ans…
« La loi sur l’immigration est sans souffle, sans imagination, sans ambition pour la France. C’est une loi d’ajustement technique présentant de nombreux aspects coercitifs : création d’un délit de solidarité, allongement de la durée de rétention, précarisation de l’unité familiale, suspicion généralisée sur les étrangers… Cette loi est de circonstance et ne résistera pas à l’épreuve du temps », affirme l’association France Terre d’asile. Les nouvelles dispositions doivent entrer en vigueur début 2004.
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