Une carte de séjour « salarié » qui placerait les étrangers directement sous la dépendance de leurs employeurs ? Très peu pour eux. Les travailleurs sans-papiers ont manifesté vendredi après-midi, à Paris, pour dénoncer les infimes possibilités de régularisation récemment introduites par le gouvernement français.
La nouvelle était apparue en décembre dernier, en France, sur des sites internet de soutien aux étrangers en situation irrégulière : « Régularisation des travailleurs sans-papiers ; premier recul du gouvernement », avant d’être répercutée début janvier par le journal Le monde : « Régularisation : le travail, un espoir pour les sans-papiers ». Les deux supports commentaient la publication de deux circulaires, le 20 décembre et le 7 janvier derniers, relatives à l’application de la loi sur l’immigration du 20 novembre 2007 (article 40).
Celle-ci permet la « délivrance de cartes de séjour portant mention « salarié », au titre de l’admission exceptionnelle de séjour ». Outre le fait que la notion d’« admission exceptionnelle » n’est pas une nouveauté en France, des associations comme la Cimade et le Gisti ont rapidement mis en garde les travailleurs et employeurs susceptibles de se ruer vers les préfectures du fait que cette admission, comme son nom l’indique, est loin d’être automatique.
Une main d’œuvre remplacée par une autre, selon l’origine
D’une part, elle repose totalement sur le pouvoir discrétionnaire du préfet. Par ailleurs, les ressortissants non communautaires ne peuvent y prétendre que s’ils exercent l’un des 30 métiers répertoriés dans la circulaire du 20 décembre (annexe 3). Des métiers pour lesquels la situation de l’emploi ne leur sera pas opposée puisque les régions françaises y connaissent des difficultés de recrutement. Or, c’est une « liste absolument irréaliste », dénonce la juriste Marie Duflot. Membre du Gisti, elle se désole du fait que ces emplois sont en majorité qualifiés et qu’ils ne répondent pas, de ce fait, aux postes non qualifiés souvent occupés par les travailleurs non communautaires irréguliers.
Pour l’essentiel, ces métiers du BTP, de la restauration ou encore de l’hôtellerie sont réservés, dans une autre liste (150 emplois), aux ressortissants des pays de l’Est nouvellement entrés dans la communauté européenne. Ce qui revient à remplacer « une main d’œuvre par une autre en fonction de son origine », s’insurgent dans un communiqué les dizaines d’associations qui ont appelé à la manifestation, ce vendredi, à Paris, sur le parvis de la Défense, devant les locaux de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CGPME).
Des employés « à la merci du patron »
La crainte, pour M. Diallo, le président du Collectif du 19e arrondissement de Paris, est ainsi de « laisser l’employé à la merci du patron ». Car si la circulaire du 7 janvier précise que le contrat doit être à durée indéterminée – exceptionnellement à durée déterminée – « celui qui se fait régulariser par le travail sait que s’il ne répond pas aux demandes de l’employeur et qu’il est licencié, il se retrouve en situation irrégulière », poursuit M. Diallo.
Les revendications des associations de défense des droits des étrangers sont nombreuses mais, à minima, il s’agit pour elles de voir la liste des 150 métiers réservés aux nouveaux entrants dans l’UE ouverte à toutes les nationalités, Algériens et Tunisiens compris, ces derniers dépendant d’accords spéciaux avec la France. Elles demandent également la régularisation de plein droit, et non à la discrétion des préfets, de tous les travailleurs étrangers présentant un contrat de travail ou une promesse d’embauche.
Eviter le piège
Les deux listes d’emplois connaissant des difficultés de recrutement ont été publiées le 20 janvier dernier au Journal Officiel et les candidats à l’admission exceptionnelle peuvent désormais se faire connaître. Mais le risque de les voir interpellés et reconduits à la frontière est toujours là, prévient Marie Duflot. Même si la juriste sait qu’« il y a tellement peu de possibilités de régularisations que la moindre ouverture provoque un énorme espoir » difficile à contenir.
Quand bien même ne seraient-ils pas immédiatement interpellés, les informations laissées dans leurs dossiers par les étrangers en situation irrégulière pourraient permettre aux forces de l’ordre de les retrouver par la suite. Une situation qui rappelle celle des milliers de familles déboutées après avoir espéré être régularisées dans le cadre de la circulaire sur les parents d’enfants scolarisés du 13 juin 2006.
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