L’Assemblée française vient d’adopter le projet de loi sur l’immigration du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Ce dernier souhaite lutter contre l’immigration clandestine, œuvrer pour une meilleure intégration des étrangers et réformer la double peine. Un discours qui masque à peine le durcissement de la loi qui sera soumise au Sénat à la rentrée.
La France durcit sa loi sur l’immigration. Le projet de loi proposé par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a été adopté en première lecture par les députés français, dans la nuit de mercredi à jeudi. Le texte, intitulé « Projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration et au séjour des étrangers en France », sera soumis au Sénat lors de la prochaine rentrée parlementaire. Ses objectifs : la lutte contre l’immigration clandestine et les mariages « de complaisance », la meilleure intégration des étrangers et la réforme du système de la double peine.
Lutter contre l’immigration clandestine passe, pour Nicolas Sarkozy, par la mise en place d’un fichier d’empreintes digitales pour les demandeurs de visas et par des attestations d’hébergement plus difficiles à obtenir. La loi donne explicitement aux maires le pouvoir de refuser de délivrer une attestation s’ils soupçonnent « une tentative de fraude » ou si « les conditions normales d’un hébergement ne sont pas réunies ». Le projet de loi propose également une réforme des procédures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière : la durée de rétention administrative est allongée de 12 à 32 jours. Enfin, les passeurs écoperont de peines plus lourdes (jusqu’à 10 ans de prison et 750 000 euros d’amende) et les employeurs de clandestins étrangers devront payer les frais de rapatriement des étrangers vers leur pays d’origine.
Le mariage blanc est un délit
La lutte contre les mariages et les parentés « de complaisance » jette quant à elle la suspicion sur les mariages mixtes. Le mariage blanc (dont le nombre, selon le ministère de l’Intérieur, a augmenté de 470% entre 1998 et 2002) devient un délit passible de 5 ans de prison et de 30 000 euros d’amende. La durée de vie commune nécessaire à la délivrance de la carte de résident au titre du mariage avec un ressortissant français passe d’un à deux ans. La qualité de parent d’un enfant français ne donnera accès à la carte de résident qu’après deux ans d’exercice de l’autorité parentale et de participation aux frais d’entretien de l’enfant.
Sur le volet de l’intégration, la carte de résident sera plus longue à obtenir : le délai minimum de résidence régulière en France pour obtenir la carte de résident passe de 3 à 5 ans, sauf dans le cas d’un regroupement familial (2 ans). Quant à la refonte de la double peine, le projet ne supprime ni les expulsions ni la peine complémentaire d’interdiction du territoire. Son innovation principale est l’instauration de catégories d’étrangers bénéficiant d’une protection « quasi absolue » contre l’expulsion. Sont concernés les étrangers qui vivent en France depuis leurs 13 ans au plus, ceux y résidant régulièrement depuis plus de vingt ans, ou depuis plus de dix ans, et qui ont fondé une famille (mariage avec une Française ou parent d’enfant français).
« Contrôler, surveiller et punir »
Pour Nicolas Sarkozy, ce durcissement doit permettre à la France de ne pas « devenir le maillon le plus faible de l’immigration clandestine en Europe », alors que « tous les pays européens ont modifié leur législation sur l’immigration pour la rendre plus efficace ». Pour autant, le député socialiste Christophe Caresche a accusé mercredi le gouvernement d’avoir « une vision dangereuse de l’immigration qui fait de l’immigré un délinquant en puissance ».
Et les organisations de défense des droits des étrangers montent au créneau. Le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), qui a lancé une pétition contre la loi (le « manifeste des délinquants de la solidarité »), résume la réforme ainsi : « Contrôler, surveiller et punir ». « Elle emporte avec elle une overdose de surveillance, de suspicion systématique et de contrôle. Elle méconnaît directement des droits aussi fondamentaux que le respect de la vie privée et familiale et la liberté d’aller et venir. » Sur son site, le Gisti propose une lecture acerbe du projet de loi, concluant : « A travers cette réforme, la seule image de l’étranger qui se profile est celle du fraudeur, au fait de toutes les combines, cherchant à toute force et sans motif sérieux à entrer et à séjourner en France, et s’opposant par tous moyens à son éloignement ».