Le ministre français de l’Intérieur a annoncé, jeudi, la première expulsion d’un individu ayant pris part aux violences urbaines de novembre dernier. Agé de 22 ans, le Malien condamné à quatre mois de prison avec sursis et trois ans d’interdiction du territoire « a pris l’avion aujourd’hui », a-t-il expliqué. Nicolas Sarkozy avait demandé en novembre la double peine pour 120 émeutiers, oubliant qu’elle était rendue difficile par une loi dont il est lui-même à l’origine.
L’honneur est sauf. Nicolas Sarkozy tient son expulsé. Jeudi soir, le ministre français de l’Intérieur a annoncé sur la chaîne d’information LCI (La chaîne info) la première expulsion d’une personne ayant pris part aux violences urbaines qui ont secoué la France en novembre dernier. « Il a pris l’avion aujourd’hui », a-t-il expliqué en parlant d’un Malien âgé de 22 ans, condamné en novembre dernier à quatre ans de prison avec sursis assortis de trois ans d’interdiction du territoire français par le tribunal de grande instance de Bobigny. Il avait « notamment [fait] usage d’engins incendiaires », selon le ministère de l’Intérieur. « Six autres sont prêts à suivre », mais « les procédures sont un peu longues », a ajouté le premier policier de France.
« Sacrifice humain »
En novembre dernier, Nicolas Sarkozy avait annoncé devant l’Assemblée nationale avoir demandé aux préfets l’expulsion de « 120 étrangers, pas tous en situation irrégulière », et « condamnés » suite aux émeutes. De nombreuses associations de défense des droits de l’Homme s’étaient étonnées de devoir lui rappeler que l’expulsion collective est impossible et qu’elle est individuellement rendue difficile par la loi du 23 novembre 2003, dont il est à l’origine. Le ministre va « peut-être essayer de trouver quelques dossiers pour ne pas totalement perdre la face », avait néanmoins prévenu Didier Liger, le président de la commission Liberté et droits de l’Homme du Conseil national des barreaux (CNB).
« Ses services ont apparemment travaillé pour en trouver quelques uns », regrette aujourd’hui Jean Pierre Dubois, le président de la Ligue des droits de l’homme (LDH). « La semaine dernière, à Cergy Pontoise, la commission des magistrats chargée de statuer avait pourtant donné un avis défavorable à l’expulsion de ce jeune homme. Malheureusement, son avis n’est plus contraignant depuis 1993. Elle avait indiqué que le jeune homme n’était plus une menace pour la société et qu’il n’avait pas la possibilité de vivre décemment au Mali. Toutes ses attaches familiales sont en France, il n’a aucun avenir autre qu’ici. Tout le monde le sait. C’est vraiment du sacrifice humain, c’est la stratégie préélectorale qui continue. »
« La double peine n’a jamais cessé »
En 2003, le ministre de l’Intérieur s’était présenté dans les médias comme le bourreau de la double peine, grâce à la loi du 26 novembre 2003. Celle-ci rend notamment l’expulsion d’un mineur ou d’un étranger arrivé en France avant l’âge de treize ans impossible. Sont également non expulsables les individus vivant sur le territoire depuis plus de vingt ans, ceux qui y vivent depuis plus de dix ans et qui sont mariés à une personne de nationalité française depuis trois ans, ou à un étranger vivant en France depuis l’âge de treize ans. Il en est de même pour un étranger qui a un enfant et demeure en France depuis dix ans. Des dérogations sont possibles, lorsque le délit reproché est lié à des violences familiales, à un trafic de fausse monnaie, à une atteinte à la sécurité de l’Etat ou encore à une activité terroriste.
« La double peine n’a jamais cessé. Lorsque nous avons dit avec d’autres associations que la loi de 26 novembre 2003 ne la supprimait pas, Nicolas Sarkozy nous a traité de menteurs », se souvient Jean-Pierre Dubois. « Aujourd’hui, c’est lui qui la remet aux devants de l’actualité. Pour citer Charles Pasqua, je constate que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. »