Un an après les promesses de relogement faites par l’Etat français aux 374 familles, majoritairement africaines, qui s’étaient installées au 24 rue de la Banque fin 2007, soixante-dix seulement ont obtenu gain de cause. L’Association Droit Au Logement (DAL) ne baisse pas pour autant les bras. Pour la deuxième année consécutive elle a installé, depuis dimanche, bâches, sacs de couchages et matelas sur ce trottoir du très huppé 2ème arrondissement de Paris. Reportage.
« Est-ce qu’il faut attendre qu’il y ait un autre mort pour que l’Etat se décide à faire quelque chose ? ». Emmanuel Klein de l’association Droit au Logement (DAL) de Dax est révolté. Déjà sur place en 2007 au 24 rue de la Banque avec les « mal logés », comme on les appelle maintenant, il est indigné d’être sur le même trottoir, un an après, en cet hiver si froid qui débute. Il affirme que presque rien n’a changé en douze mois et que « l’Etat n’a pas tenu ses promesses ».
En 2007, 374 familles étaient déjà présentes rue de la Banque. Après trois mois de sitting, le ministère du Logement avait finalement cédé en signant une promesse de relogement sous un délai d’un an. Depuis, 141 familles ont trouvé un logement mais 71 seulement par le biais de l’Etat. Dès dimanche donc, le campement a repris. Les revendications sont toujours les mêmes : un toit pour tous ! Jean-Baptiste Eyraud, président du DAL, rappelle que «près de 10 000 familles sont mal logées en France dont 6 000 à Paris».
Malika : «Je vis à l’hôtel depuis huit ans»
Malika en fait partie . Installée sur un des matelas du campement, emmitouflée dans un sac de couchage sous plusieurs couvertures et l’air fatigué, elle a accepté de nous raconter son histoire. Cette femme d’origine maroco-algérienne était déjà là en 2007. Elle est restée presque trois mois rue de la Banque, sans succès. « Je suis en France depuis 15 ans, j’ai la nationalité française mais je vis à l’hôtel depuis 8 ans maintenant. Mon fils est né à l’hôtel et y a grandi ». Montreuil, Drancy, Noisy, le 18ème ou le 20ème, Malika les connait bien les hôtels de Paris et sa région. Elle attend depuis 3 ans un logement social et faute d’avoir une adresse fixe, cela fait maintenant un mois que son fils, Marwan, ne peut plus aller à l’école.
Son histoire est loin d’être originale. Elle fait partie de tous ces gens qui n’ont pas de « chez eux », qui vivent à l’hôtel, chez des amis ou de la famille mais toujours de façon temporaire et précaire. Kaouach, un Tunisien installé à côté de Malika, bonnet vissé sur la tête et grosses moufles, a, lui, du mal à demander de l’aide. Il se débrouille à chaque fois pour que sa femme et ses enfants soient logés chez de la famille ou des amis mais lui reste dans la rue ou va à l’hôtel quand il le peut. « Il ne faut pas baisser les bras. On va y arriver, on fait des marches, des manifestations, des demandes, régulièrement, mais c’est vrai que c’est dur », nous confie-t-il. Ce cuisinier arrivé en France il y a cinquante ans est sans toit depuis trois ans. Jean-Yves Cottin, du Comité des Sans logis, également présent sur le campement confirme que, même si toutes les origines se confondent, il y a beaucoup d’immigrés ou d’enfants d’immigrés mal logés en France. «Vous trouverez ici beaucoup de Maghrébins âgés qui ont travaillé dans l’industrie automobile française pendant des années et qui ont aujourd’hui une retraite misérable ».
« Une piqure de rappel au gouvernement »
Même si le mouvement est de moindre ampleur qu’en 2007, la détermination est intacte. « Nous sommes là pour faire une piqure de rappel au gouvernement et nous sommes prêts à rester longtemps», insiste Jean-Yves Cottin. « Christine Boutin essaye de faire croire que les familles, aujourd’hui dans la rue, le sont parce qu’elles ont refusé des offres de logement ou parce que les associations ont transmis trop tard les listes. C’est faux, ces arguments servent uniquement à masquer l’incompétence de l’Etat à répondre à un droit fondamental». Jean-Baptiste Eyraud nous tient le même discours quelques minutes plus tard. Les rares familles qui ont refusé des logements l’ont fait parce qu’elles étaient trop loin de leur lieu de travail ou de leurs lieux de soin, pour ceux qui sont malades. « Une famille qui se retrouve à la rue doit avoir le droit de demander à être relogée dans le département dans lequel elle a vécu. Paris et les Hauts-de-Seine ont l’habitude d’envoyer les mal logés très loin, en dehors du département »
Le « Ministère de la crise du logement », du nom que l’association a donné à ses locaux, entame donc un énième face à face avec le ministère du Logement, le vrai. Son message est clair : « Ces familles doivent être logées dignement. », répète Jean-Baptiste Eyraud. Et les moyens d’y arriver sont nombreux selon lui : « réquisition des immeubles vides, location dans le parc immobilier privé ou construction de logements sociaux, peu importe ! ».
Malika, en tous cas, est prête à passer Noël rue de la Banque s’il le faut.
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Consulter :
Le site de l’association Droit Au Logement