Paris a annoncé ce vendredi qu’il ne tenterait rien pour libérer les cinq otages français détenus en Afghanistan et que la France comptait négocier avec les ravisseurs, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Comment est analysée la menace terroriste qui pèse sur la France ? Revue de presse.
Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) menace ouvertement la France et les intérêts français depuis quelques mois. Après avoir exécuté Michel Germaneau, en juillet dernier, elle détient depuis quelques jours cinq autres otages français, employés d’Areva, la multinationale qui exploite l’uranium du Niger. La France a indiqué ce vendredi qu’elle privilégierait la voie de la négociation et qu’elle ne mènerait aucune action pour libérer ses ressortissants. Paris prend les menaces du groupe islamiste au sérieux. «Nous mettons en garde (le gouvernement français) contre les conséquences d’une nouvelle action stupide, parce qu’elle est condamnée à échouer et qu’ils en paieront certainement un prix élevé», ont prévenu les islamistes dans un communiqué diffusé ce mercredi sur un site islamiste.
Mais la menace est-elle réelle ? C’est la question que l’on se pose au quotidien algérien, El Watan. Le journal s’interroge sur la crédibilité de cette menace qui plonge « inutilement » les Français dans « la psychose ». « Y a-t-il une menace sérieuse ou s’agit-il d’une simple manipulation du clan Sarkozy embourbé dans un engrenage d’affaires en France et au sein de l’Union européenne ?», lance d’emblée le journaliste Hassan Moali, dans un article daté du 21 septembre sur la nouvelle version du site du quotidien algérien. Le journal parle de « mise en scène où tous les acteurs sont plus au moins connus, les lieux ciblés aussi ». « Ne manque que le fameux boom ! Ce scénario apocalyptique vient d’être conforté par la prise d’otages français au Niger attribué évidemment à Aqmi », poursuit l’article. La menace serait donc bien réelle. « Pour autant, il n’est pas faux de soutenir que la France est dans le collimateur des extrémistes de tout bord au moins depuis que le président Sarkozy a choisi d’arrimer son pays au front « atlantiste »» .
El Watan fournit ainsi un début d’explication aux raisons qui expliquent « l’intérêt » des terroristes pour les ressortissants français. Le Pays, quotidien publié au Burkina Faso qui accueille depuis jeudi des militaires français pour une « formation » à la lutte anti-terroriste, en a d’autres. « Par exemple : la montée de la xénophobie en Europe. L’électeur a tendance à accorder ses faveurs aux pouvoirs d’extrême droite, favorisant du coup la montée de l’intolérance à tous les niveaux et faisant des Africains, des victimes de choix », peut-on lire.
Le Mali, victime collatérale
Par ailleurs, la France, ancienne puissance coloniale, serait « celle dont l’intrusion est manifeste dans les affaires politiques et économiques du continent ». Paris soutient ainsi « des régimes iniques », « en profite pour maintenir des bases militaires et consolider ses chasses gardées sur le continent ». En outre, poursuit l’article du Pays, « elle dispose de puissants lobbies qui font la part belle aux multinationales françaises », comme Areva, le géant français de l’uranium. « Mais si AQMI et autres parviennent à harceler et à narguer une multinationale comme Areva, c’est que le terrain y est propice : ils bénéficient de complicités au sein des populations livrées à elles-mêmes. »
Le kidnapping serait devenu un moyen de subsistance pour des populations désœuvrées. « Les prises d’otages qui sont très lucratives, vont au-delà du sentiment anti-blanc, anti-occidental, ou tout simplement anti-français. Il s’agit aujourd’hui d’une affaire juteuse qui, ô comble de l’ironie, participe d’une manière ou d’une autre à lutter contre la pauvreté et la marginalisation, dans une Afrique indigente après cinquante ans d’indépendance. » Le Pays prédit « un pourrissement de la situation » et condamne « l’esprit» (français) de « va-t-en-guerre ». « Il pourrait aussi en découler une alliance entre rébellions armées et groupes religieux fondamentalistes».
Paris n’est pas la seule victime d’Aqmi. «Le Mali se considère comme victime et otage (du terrorisme)», a estimé le président malien Amadou Toumani Touré dans un entretien accordé à RFI et TV5, retranscrit et publié le 21 septembre dans le journal malien L’Indépendant. Le Mali est accusé par ses voisins d’être une base arrière d’Aqmi. Mais pour le président malien, «le Nord du Mali, c’est le Sud de l’Algérie, c’est l’Est de la Mauritanie, c’est le Nord du Niger. […] Je pense qu’on ne peut pas dire avec exactitude où est-ce qu’ils (les terroristes) se trouvent. Ils se promènent dans toute la bande sahélo-saharienne».
Dans un autre article, daté de ce vendredi, le quotidien note qu’Amani Toumani Touré lne souhaite pas que «l’on transforme le Nord du Mali en champ de bataille privilégié au nom de la lutte contre AQMI». Et le journaliste Amadou Bamba Niang d’ajouter : «Il y a d’ailleurs, actuellement, une savante propension de certains pays, voisins du Mali, à repousser leurs terroristes vers cette zone pour y concentrer les opérations militaires contre AQMI.» Les autorités maliennes s’y opposent d’autant plus «que le septentrion malien héberge les plus grands projets de développement du Mali».