L’Organisation des Nations Unies (ONU) vient d’annoncer le chiffre record de 137 000 migrants arrivés en Europe en traversant la Méditerranée, au premier semestre 2015, au moment où l’Union européenne a mis en place une opération navale contre les réseaux de passeurs en Libye. AFRIK.COM a saisi l’opportunité d’une rencontre avec le député de la 10ème circonscription des Français de l’étranger, Alain Marsaud, du parti des Républicains, pour évoquer cette situation.
A Cotonou,
Alain Marsaud est le député français de la 10ème circonscription des Français de l’étranger[La 10ème circonscription des Français de l’étranger est constituée par les pays suivants : Afrique du Sud, Angola, Arabie Saoudite, Bahreïn, Bénin, Botswana, Burundi, Cameroun, Comores, Congo, Djibouti, Egypte, Emirats Arabes Unis, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Guinée Equatoriale, Irak, Jordanie, Kenya, Koweït, Lesotho, Liban, Madagascar, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, Nigeria, Oman, Ouganda, Qatar, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Seychelles, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Swaziland, Syrie, Tanzanie, Tchad, Togo, Yémen, Zambie, Zimbabwe]]. L’interview a été réalisée à Cotonou, la capitale économique béninoise. Il faisait partie de la délégation de [François Hollande lors de sa visite au Bénin.
AFRIK.COM : La Libye est devenue une des principales portes d’entrée en Europe des immigrés au départ d’Afrique vers l’Italie. Depuis la mort de Mouammar Kadhafi, en 2011, suite à l’intervention militaire française dans le cadre d’une opération sous mandat de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le nombre de migrants qui arrivent sur le sol européen a explosé. Peut-on parler d’une responsabilité de la France ?
Alain Marsaud : L’affaire libyenne est un cataclysme. La France en est responsable, à tous les niveaux, au demeurant parce que tout le monde a encouragé cette opération et le Parlement français a voté « Pour ». Je le regrette parce qu’effectivement nous avons créé, dans ce territoire et au nord de l’Afrique, une zone de non-droit, un vide stratégique, un vide sécuritaire. Et aujourd’hui, tout le monde se précipite, soit pour y faire la guerre, soit pour y émigrer vers l’Europe. La Libye est véritablement une catastrophe. Beaucoup de gens me disent qu’il aurait fallu un suivi. Après la disparition, la mort ou l’assassinat de Kadhafi, il aurait fallu mettre en place un système politique, mais je crois que les Libyens n’étaient pas prêts à recevoir les leçons des gouvernements étrangers, notamment des gouvernements occidentaux. Ce qui fait que l’affaire libyenne est une des plus grosses bêtises qu’a faites notre pays avec la Grande-Bretagne et les Américains.
Comment interpréter les nouvelles mesures de l’Union Européenne, notamment la politique de militarisation du sauvetage des immigrés qui tentent la traversée au départ de la Libye ?
Sincèrement, les déclarations répétées de l’Europe ne signifient rien, car l’Europe n’est pas capable de faire quoi que ce soit dans cette affaire. Elle est capable de compter les points, compter éventuellement les morts qu’elle récupère à Lampedusa ou ailleurs, et point à la ligne. L’Europe, aujourd’hui, a montré son incapacité totale dans ce domaine, comme dans les autres au demeurant.
Et que pensez-vous de François Hollande qui adhère à cette idée de militarisation du sauvetage ?
Je veux dire qu’on n’a pas tellement le choix en France. On compte les arrivées par centaines, des fois par milliers. On compte les morts. L’opinion publique est très divisée en France. Elle veut bien pleurer sur ceux qui se noient, ce qui est normal. Elle se dit : « surtout que les survivants n’arrivent pas sur notre territoire ». Je pense qu’aujourd’hui, l’Europe occidentale s’est fait prendre en otage dans cette histoire. Et sincèrement, je n’ai pas la moindre idée de la manière dont elle va s’en sortir. Je ne sais pas qui peut être le grand chef de l’Europe, qui nous dira ce qu’il faut faire. Et on s’est brouillé avec tellement de pays; que ce soit la Russie et compagnie, qu’ils ne sont pas là pour nous aider et je pense qu’ils assistent tranquillement aux difficultés qui sont les nôtres.
Que pensez-vous de la volonté de l’Union Européenne de vouloir répartir les migrants dans les différents pays membres ?
Mais l’Union Européenne, cela n’existe pas. Il n’y a pas de politique étrangère, il n’y a pas de politique de défense. L’Union Européenne, cela n’existe pas. C’est du blabla que certains chefs autoproclamés, à Bruxelles et ailleurs, font. Je fais partie de ceux qui n’écoutent même pas ce que peut suggérer l’Union Européenne car, de toute façon, elle ne fait rien et on ne l’a pas élu pour cela.