Le Forum social mondial polycentrique de Bamako s’est achevé ce lundi sur une note globalement positive. De quoi encourager le Kenya, qui accueillera en janvier 2007, la prochaine édition de l’événement.
« Nsasa !» (C’est maintenant !), a fait répété aux altermondialistes présents, lundi, dans l’enceinte du pavillon du stade omnisports de Bamako pour la clôture du Forum social mondial (FSM) polycentrique, la représentante du Kenya. Pays hôte du prochain FSM en janvier 2007. Un défi kenyan, certes, mais avant tout un défi africain à relever « maintenant ». Il faut dire que le Forum Polycentrique de Bamako aura donné beaucoup de raisons d’être confiant. Pour les observateurs, le match test que représente Bamako quant aux capacités africaines à organiser un tel événement, même si la décision d’organiser le FSM au Kenya avait été prise à Mumbai (2004), s’est avéré plus que concluant. « J’ai participé au forum social africain de Lusaka en 2004 et je connais un peu les contraintes matérielles et politiques auxquelles les pays africains doivent faire face. Comparé aux autres forums qui ont eu lieu sur le continent, celui de Bamako a toutes les qualités d’un forum social, a constaté le journaliste Antonio Martins, d’Attac Brésil. Il y a un véritable climat d’échange, les activités sont spontanées… D’autres pas sont à faire jusqu’à Nairobi où se tiendra un forum social unique, mais je reste très confiant dans les 12 mois à venir. On peut espérer un forum comparable à celui de Porto Alegre. »
« C’est un test grandeur nature pour Nairobi 2007 »
« C’est un test grandeur nature pour Nairobi 2007 », a affirmé, pour sa part, Diadié Dagnoko, le coordinateur du secrétariat permanent du Forum, qui a enregistré plus de 700 activités, lors de la cérémonie de clôture. «Je pense que pour une première édition, dixit Aminata Traoré du Forum pour un autre Mali (Foram), si l’on s’en tient aux impressions des participants, c’est un très bon début. Ils semblaient heureux et ont apprécié les débats. Nous avons fait de notre mieux. » En dépit des nombreuses critiques qui lui ont été faites – la plus récurrente concerne l’éclatement des sites consacrés aux débats – le Comité malien d’organisation, composé de 325 organisations, se sera montré très novateur. Tout d’abord en ouvrant un espace thématique entièrement dédié aux femmes. Plus de 1 500 femmes ont participé aux différentes discussions qui se sont déroulées au Palais de la culture de Bamako. Ensuite, la culture, à travers un forum culturel, et le sport ont été introduits dans les activités de l’événement.
Enfin, et non des moindres, l’autonomie laissé aux jeunes dans l’organisation du Camp international de la jeunesse dédié à Thomas Sankara et ouvert, cette année, aux tout petits. « C’est la première fois que l’on donne un nom au camp, explique Ibrahim Hamani Souley, président du Camps international de la jeunesse Thomas Sankara. Nous avons choisi Thomas Sankara pour témoigner du fait que l’Afrique avait également son Che (Guevara, ndlr). Quand on écoute ses discours, on se rend compte qu’il était un altermondialiste avant l’heure. Déjà en 1986, il évoquait l’annulation de la dette des pays africains, une thématique chère aux altermondialistes aujourd’hui. En Afrique, les décideurs ne font pas confiance aux jeunes et ne leur confient pas de responsabilités. Ils ne les utilisent qu’à des fins politiques. Alors que Thomas Sankara, qui a dit : ‘Libérer la parole des jeunes pour libérer l’Afrique et le reste du monde’, est la preuve de notre capacité d’action. Arrivé au pouvoir à 30 ans, il a, en 5 ans de règne, largement œuvré pour la sauvegarde de l’intérêt des peuples africains.»
Une forte mobilisation de la société civile africaine
L’autre enjeu de ce forum social de Bamako était sa capacité à mobiliser, au-delà des Maliens, la société civile africaine. Là encore, le pari semble gagné. « C’est une réussite, car la plupart des pays africains sont présents, estime Taoufik Ben Abdallah du secrétariat du Forum social africain. Ils sont plus de quarante à avoir participer à ce forum, ce qui ne s’est jamais fait lors d’un Forum social mondial. » Le forum de Bamako aura ainsi accueilli entre 15 et 20 000 personnes, dont la plupart sont africaines. Un paramètre important quand on sait que les altermondialistes attendent de l’Afrique qu’elle donne un souffle nouveau à un mouvement qui en perdrait. Pour José Bové, l’un des porte-paroles du mouvement paysan international Via Campesina, « ce forum montre que l’Afrique est au cœur du problème de la globalisation et au coeur de la solution ». Il a d’ailleurs annoncé la tenue au Mali d’un forum sur la souveraineté alimentaire en février 2007 et dédié la rencontre de Bamako à tous les clandestins maliens chassés du Maroc. Une plate-forme sur les questions migratoires, dans le cadre du Forum social, devrait être mise en place, a indiqué Aminata Traoré. A noter que la marche sur l’ambassade de France, organisée dimanche, par les associatons Novox et Droits Devant pour la défense des immigrés, a été interrompue par les forces de l’ordre. Le gouvernement malien s’est pourtant montré très coopératif quant à l’organisation, difficile sur le plan financier, du forum auquel il a contribué à hauteur de 150 millions de F CFA.
À Bamako, on s’est aussi beaucoup interrogé sur l’avenir du FSM, notamment sur le passage d’un conscience collective à un acteur collectif. Il apparaît très clairement pour les altermondialistes que l’espace d’échange et de liberté que constitue le forum aujourd’hui doit demeurer. Et qu’il s’agit plutôt de renforcer la coordination entre les initiatives des différentes organisations de la société civile. Les débats devraient d’ailleurs se poursuivre à ce sujet à Caracas (Vénézuela) où 70 000 altermondialistes se sont donnés rendez-vous, à compter de ce mardi, pour le deuxième volet du Forum social polycentrique.