Flou électoral au Togo


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L’opposition togolaise dénonce de manière ferme et unanime les résultats partiels annoncés lundi soir par la Commission électorale nationale indépendante, qui donne le président sortant Gnassingbé Eyadéma en tête des suffrages avec 59,13% des voix. Deux candidats de l’opposition, Emmanuel Bob Akitani de l’UFC et Maurice Dahuku Pere du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR), revendiquent chacun la victoire.

Qui sera le futur président de la république du Togo ? Si l’on en croit la Commission électorale indépendante nationale (Céni), le chef de l’Etat sortant, le général Gnassingbé Eyadéma, crédité de 59,13% des voix après dépouillement de 40% des votes, serait en passe d’être reconduit dans ses fonctions. Une mascarade pour l’opposition qui, toutes tendances confondues, crie au hold-up électoral. Emmanuel Bob Akitani de l’Union des forces de changement (UFC) et Maurice Dahuku Pere du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR) se sont chacun proclamés vainqueurs.

Selon la Céni, Bob Akitani se placerait en seconde position avec 35,15% des suffrages exprimés, suivi de loin par Dahuku Pere, qui n’obtient que 2,80% des voix. Yawovi Agboyibo, du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR), est crédité de 2,07% des voix, alors que l’ancien premier ministre Edem Kodjo, de la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP), recueil 0,95% des voix et que le candidat indépendant Nicolas Lawson rassemble difficilement 0,14% des votes.

Bob Akitani en tête

 » Les chiffres annoncés par la Céni sont absolument faux « , commente Yawovi Agboyibo.  » Au vu des résultats que nous avons à l’heure actuelle (mardi à 12h00), il est même très loin de 59,13% « . Conseil du Car, Mr Mensah révèle que c’est le candidat de l’UFC qui serait actuellement en tête des votes.  » Les résultats partielles annoncés sont fabriqués de toutes pièces. Nous avions des délégués dans les bureaux de vote et ils donnent Bob Akitani largement devant. Mais nous n’avons pas les procès verbaux de l’intérieur du pays. Nos délégués ont été chassé des bureaux de vote et n’ont pas pu assister au dépouillement « .

 » Il est impossible qu’Eyadéma ait pu faire un tel score. Il y a eu des fraudes massives « , explique Mr Gogué du parti de l’Alliance démocratique pour le développement intégral.  » Les tendances qui nous parviennent de la région maritime – qui regroupe près des deux tiers de l’électorat- donnent Bob Akitani devant avec plus de 70% des voix. Des témoins rapportent des cas de bourrages d’urnes, déjà pleines à 6 heures du matin. Ils (le pouvoir, ndlr) ont même fait voter des enfants.  »

Fraudes multiples

 » Les résultats partiels officiels sont fantaisistes et nous pouvons affirmer que Bob Akitani a remporté plus de 70% des votes dans la région maritime « , explique André Kuévi, premier conseiller de l’UFC.  » Il y a eu bourrages d’urnes, achats de conscience et rétention volontaire des cartes d’électeurs. 30 à 40% des Togolais n’ont pas réussi à obtenir leur carte d’électeur. A partir de la préfecture de Blitta (250 km au nord de Lomé, ndlr), il faut considérer les votes comme nuls et non avenus. Nos délégués étaient en effet systématiquement chassés des bureaux de vote et n’ont pas pu, comme le permet l’article 122 du code électoral, se faire remettre les fiches de résultats.  »

En réponse aux multiples allégations de fraudes portées à l’égard du scrutin de dimanche dernier, le président de la Céni, Abalo Pétchélébia, botte en touche.  » C’est à la Cour constitutionnelle d’étudier ces questions. Dès que les requêtes en annulation seront posées. Pour ce qui est des résultats annoncés par les uns et les autres, cela ne me concerne pas. Il faut voir ça avec eux. Moi je suis un officiel et je ne vais pas commenter les chiffres d’une Céni officieuse. Les résultats définitifs du scrutin présidentiel sont annoncés pour mercredi 13 heures (heure locale).

Le secrétaire général de l’UFC arrêté

Maurice Dahuku Pere se crédite pour sa part de 37,7% des suffrages, contre 34% pour Bob Akitani et 24% pour Eyadéma. Mais selon nos propres recoupements, il semblerait que ce soit Bob Akitani – soutenu par le principal opposant au régime, Gilchrist Olympio, écarté de la course à la présidence pour vice de forme – qui ait officieusement la faveur des urnes. Un vote aux allures de plébiscite, si l’on s’en tient aux estimations de l’opposition. Début de la répression ? Le secrétaire général du parti, Jean-Pierre Fabre, ainsi que le troisième vice président, Patrik Lawson, ont été arrêtés mardi matin pour être conduits à la Direction générale de la police. On ignore toujours la raison de leur interpellation.

L’après résultat s’annonce délicat. Va-t-il y avoir un ralliement de l’opposition derrière un unique candidat ? Agbéyomé Messan Kodjo, l’ancien Premier ministre togolais qui a claqué la porte du Rassemblement du peuple togolais (parti de Eyadéma) en 2001 après 15 ans de bons et loyaux services, résume la situation en une phrase :  » Tout sauf Eyadéma « . Même s’il soutenait jusque là la candidature de Dahuku Peré, il se dit prêt à  » s’aligner derrière le candidat de l’opposition qui aura le plus de suffrages « . Se refusant à révéler à quelles estimations il se fiait, il estime que  » la seule leçon à tirer des élections est que le pouvoir a perdu « .

Risque de soulèvement populaire

Le Togo semble avoir dit non à Eyadema. Quelle va être la réaction de la rue en cas de réélection de Gnassingbé Eyadéma ? Dahuku Pere prône pour la méthode radicale. Il a appelé « tout le peuple togolais à la résistance en vue de mettre fin à la dictature ». Les déclarations post-électorales de Gilchrist Olympio, qui prônait la  » désobéissance civile « , s’inscrivent dans la même veine. A Lomé, l’atmosphère est tendue. Tout le monde retient son souffle dans l’attente des résultats officielles.

Si les accusations de fraudes fusent de toutes parts dans le pays, les élections se sont déroulées  » librement  » et  » dans des conditions transparentes  » pour les 187 observateurs étrangers présents au Togo pour le compte de l’Union Africaine (UA), de l’Organisation internationale de la Francophonie et de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). L’Union européenne et les Etats-Unis avaient refusé d’envoyer des observateurs sur place et d’apporter une caution morale à une élection sur laquelle planait un lourd voile d’opacité. Les déclarations des observateurs posent clairement aujourd’hui la question du rôle de la France et de l’UA dans un scrutin où elles ont, semble-t-il, déjà choisi leur camps.

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