Fin des subventions du carburant : à peine installé, Bola Tinubu veut-il « enflammer » le Nigeria ?


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Bola Tinubu, nouveau Président du Nigeria
Bola Tinubu, nouveau Président du Nigeria

Bola Tinubu, le nouveau Président nigérian, veut inaugurer son mandat avec une mesure très impopulaire : la fin des subventions du carburant. Et sur ce coup, les syndicats n’entendent pas se laisser faire. De vives tensions sont en vue.

Le jour même de son investiture, Bola Tinubu, le nouveau Président nigérian, a annoncé la fin très prochaine des subventions du carburant. Une mesure qui, depuis des décennies, consiste pour le gouvernement à subventionner le prix de l’essence, afin que les populations se procurent le précieux liquide à un faible coût sur le marché.

En effet, gros producteur de pétrole, mais dépourvu de raffineries, le Nigeria est obligé d’échanger son brut contre de l’essence qui lui revient cher si bien que le gouvernement est obligé de subventionner le produit pour une meilleure accessibilité. Certes, cette politique revient très cher au pays qui débourse des milliards de dollars en subventions chaque année (10 milliards de dollars pour la seule année 2022). C’est cette saignée que le nouveau Président veut arrêter. Surtout que sur la question, le pays subit, depuis des années, la pression des institutions de Bretton Woods.

Le nouveau Président a-t-il choisi le bon moment ?

Mais, pour un mandat qui vient à peine de débuter, la mesure semble mal venue. Surtout qu’elle intervient dans un contexte économique particulièrement éprouvant pour les populations nigérianes. Ces dernières n’ont pas fini de subir les contrecoups de la pandémie de Covid-19, de la guerre russo-ukrainienne avec la forte inflation générée, aggravée par des difficultés économiques internes et une crise monétaire due à une réforme monétaire hasardeuse. Décider dans ces conditions d’arrêter les subventions étatiques au carburant sans aucune mesure palliative, avec pour conséquence une flambée des prix du carburant sur le marché – ces prix ont triplé en l’espace de quelques heures, passant de 197 nairas à 540 nairas, selon les populations – semble vraiment osé pour un Président tout juste installé dans ses fonctions. Même si cette mesure est une des promesses de campagne de l’ancien candidat devenu président de la République.

Les syndicats vent debout contre la mesure

Pour les syndicats, il n’est pas question de mettre fin aux subventions. Ils annoncent des mouvements de grève, si la décision n’est pas rapportée d’ici au 7 juin. Mercredi, le Nigeria Labour Congress a publié un communiqué dans lequel il condamne fortement cette décision : « Nous sommes scandalisés par la décision du Président Bola Tinubu de supprimer les subventions sur les carburants sans avoir procédé aux consultations nécessaires ou sans avoir mis en place des mesures palliatives ».

Les syndicats ne sont pas fermés aux négociations, mais ils ne sont prêts à négocier qu’avec le nouveau gouvernement qui sera installé. « Il est instructif de constater que tant que le gouvernement n’est pas correctement constitué et que les personnes qui négocieront avec les syndicats n’ont pas le mandat et la capacité d’engager le gouvernement en place, de telles négociations ne seront pas appréciées à leur juste valeur », a laissé entendre Joe Ajaero, président du Nigeria Labour Congress.

Il faut attaquer le problème à la racine

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement nigérian a tenté d’arrêter les subventions. Mais, à chaque fois que la décision est prise, les vives manifestations de protestation des populations ont obligé les autorités à reculer. Le dernier exemple le plus frappant remonte à 2012 sous la présidence de Goodluck Jonathan où l’armée a dû être sollicitée pour calmer les manifestations gigantesques qui s’organisaient. Le problème auquel le nouveau Président nigérian veut s’attaquer est réel, puisqu’il s’agit d’un véritable gouffre financier.

Mais, l’idéal serait d’attaquer le problème à la base. Et à la base, il n’est pas admissible que le Nigeria, première puissance économique du continent et par-dessus tout, premier producteur de pétrole, n’ait pas de raffinerie. Les ventes à l’étranger de produits bruts n’ont jamais profité au pays exportateur. C’est la transformation qui crée la richesse. Il s’agit-là d’une règle basique d’économie. La solution viable pour le Nigeria réside donc dans la construction de raffineries pour transformer son propre pétrole en essence, kérosène, gasoil. Et dans ce sens, le richissime homme d’affaires, Aliko Dangote, a donné l’exemple en lançant, le 22 mai 2023, une méga-raffinerie. À terme, cette infrastructure devra produire 650 000 barils de produits raffinés. De quoi couvrir en principe les besoins du Nigeria en carburant et de dégager un surplus pour l’exportation.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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