Depuis les premières heures de ce mardi 6 avril 2021, des foyers de manifestations sont allumés, dans différentes villes du Bénin, par les militants de l’opposition qui soutiennent que le mandat de Patrice Talon est arrivé à échéance. Ces manifestations ne perturbent cependant pas le cours normal de la vie dans le pays.
Dès les premières heures de cette journée du 6 avril 2021, des manifestations ont commencé dans plusieurs villes béninoises où des partisans de l’opposition ont décidé de répondre à l’appel de leurs leaders en exil, en organisant des actes de protestation contre la prorogation du mandat du Président Patrice Talon, prorogé de 45 jours avec la révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Au nombre de ces opposants, l’ancien ministre des Finances du Président Boni Yayi, Komi Koutché qui, le 5 avril 2021, s’adressait à ses militants en ces termes :
« Peuple béninois, le pacte républicain que tu as scellé avec Patrice Talon le 06 avril 2016 arrive constitutionnellement à son terme, ce 05 avril 2021. Alors que de façon innocente, tu l’as cru et aidé à surgir avec un agenda républicain en main, il a décidé à son tour, pour agir, de mettre en place son propre agenda privé contre toi. Le moment est donc venu pour que seul détenteur de la souveraineté nationale, tu puisses faire disparaître cet agenda privé qu’il s’apprête encore à t’imposer les années à venir.
L’heure de l’union sacrée a donc sonné pour que sur des voies glorieuses tracées par nos héros, Béhanzin, Kaba et Bio Guéra, nous allions à la reconquête de notre dignité, de notre souveraineté, de notre unité nationale et de notre vivre ensemble. C’est pourquoi, du haut de cette tribune, au nom de toutes les forces engagées pour le retour de l’ordre démocratique au Bénin et pour la restauration de notre vivre ensemble et de l’unité nationale, je voudrais nous inviter, jeunes, femmes, adultes, à massivement sortir ce jour 5 avril à minuit, sifflets en mains, tambours et trompettes pour marquer, pendant un heure de temps, la fin officielle et constitutionnelle du mandat républicain remis dans les mains de Patrice Talon, le 05 avril 2016.
À partir du 06 avril 2021 à 08 heures du matin, comme un seul homme, levons-nous et envahissons nos rues, nos places publiques, pour ceux qui sont loin des rues et qui ne peuvent pas les rejoindre et nos places stratégiques, tout de blanc vêtus, avec mouchoirs blancs en mains, sifflets, tambours et trompettes pour que, de façon pacifique, nous nous installions jusqu’à ce que les conditions, pour que les filles et fils du Bénin s’asseyent pour définir de nouvelles orientations pour notre communauté, soient remplies. Le peuple béninois est un peuple pacifique. C’est pourquoi je fais totalement confiance que nous puissions agir dans le sens de ce que le vrai droit nous confère sans aucune violence. Pas de violences sur les biens privés. Pas de violences sur les biens publics. Pas de violences sur les positions de nos forces de défense et de sécurité.
Au haut commandement militaire et à l’ensemble de nos forces de défense et de sécurité en général, je voudrais lancer un appel patriotique.
À l’instar de vos aînés, qui malgré leur superpuissance en 1990, ont décidé de tout abandonner pour nous offrir ce beau joyau qu’est la démocratie dont vous et moi, sommes les purs produits, vous devez aussi écrire votre histoire en aidant le peuple à négocier ce nouveau tournant de son histoire. Aucun avantage induit obtenu sur le sang d’innocents béninois ne saura profiter dans la durée. Je sais que vous en êtes plus conscients que moi. C’est pourquoi à l’unisson et comme un seul homme, nous devons aller à la reconquête des normes qui ont toujours fondé notre communauté ; pour que l’unité nationale, le vivre ensemble et la cohésion qui nous ont toujours caractérisé renaissent.
Tous ensemble pour le meilleur et contre le pire. Le devoir nous appelle. Osons agir parce que c’est le moment plus que jamais. Je vous remercie ».
Divers types de manifestations
Les militants de l’opposition ont répondu à leur manière à l’appel de leurs leaders. À certains endroits, des actes de vandalisme ont été enregistrés. Par exemple à la place de l’Etoile Rouge à Cotonou, des pneus ont été brûlés peu après minuit, ce 6 avril. À Parakou, troisième ville du Bénin, le siège du parti Bloc Républicain (BR), l’un des partis de Patrice Talon, coordonné par Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’État en charge du Plan et directeur national de campagne du duo Talon – Talata, est saccagé, tout comme le siège de la radio privée Urban FM.
À Bantè, précisément à Atokolibè, village natal de Komi Koutché, la route inter-Etats a été barricadée par les manifestants. Même scenario un peu plus loin, à Tchaourou, localité d’origine de l’ancien Président Boni Yayi, un des bastions des affrontements entre populations (chasseurs) et forces de l’ordre, au lendemain des Législatives de 2019, où il y a eu également des mouvements. A Tchaourou, des manifestants ont même réussi à monter à bord d’un véhicule de l’armée. Pour apporter un démenti aux informations qui faisaient état que les populations ont pris le contrôle du véhicule de l’armée, un militaire précise : « Il (le véhicule, ndlr) n’avait jamais été pris. Regardez le chauffeur : un militaire. Nous avons juste éviter de leur tirer dessus en privilégiant le dialogue ».
Dans la capitale, Porto-Novo, des militants de l’Union Sociale Libérale (USL), parti de l’homme d’affaires en exil, Sébastien Ajavon, ont marché à travers la ville dans la matinée, au son des tambours, trompettes et vuvuzelas. Sur une banderole portée par les marcheurs, on peut lire : « 5 avril 23h 59 mn 59s. Patrice Talon, ton mandat est fini ». Par la suite, plusieurs dizaines de militants, branchages en mains, ont parcourir la ville avec des cris hostiles au président de la République. Pour l’instant, aucune casse n’est à déplorer dans la capitale.
Globalement, on observe des manifestations dans diverses régions du pays, et par endroits, les forces de l’ordre interviennent pour disperser les manifestants, mais ceci n’empêche pas les populations de vaquer, en toute tranquillité, à leurs occupations habituelles.
Situation à suivre.