Les francs CFA (celui d’Afrique de l’Ouest et celui d’Afrique centrale) sont deux comptes dans les livres du Trésor français. Malgré des indépendances le plus souvent imposées, les États francophones et ceux qui se sont laissés convaincre de les rejoindre, ne disposent que d’une monnaie indirectement surévaluée (lire mon article précédent), donc obstacle à ce que des entreprises délocalisées d’Europe s’implantent dans les zones où ces monnaies ont cours légal. Cette anomalie ne bénéficie qu’aux firmes qui exportent leurs productions vers l’Afrique, puisque le change est effectué à taux fixe.
Les États d’Afrique ont su se doter d’un droit des affaires, d’un droit de l’assurance communs. Il leur appartient maintenant de se doter d’une monnaie commune. Cette construction progresse : le 26 juin 2009, le conseil des ministres de l’Union monétaire ouest-africaine, réuni à Dakar, prenait note le état d’avancement du processus de création de la monnaie unique de la CEDEAO et instruisait la BCEAO de coordonner la position commune des États de l’Union dans les travaux à mener pour la création de la monnaie unique en Afrique de l’Ouest2.
Aucun pays des zones CFA n’est assez peuplé, assez puissant économiquement pour être en mesure de défendre une monnaie qui lui soit propre. La République démocratique du Congo (RDC) et le Nigeria ont tenté cette aventure. Le Nouveau Zaïre est convertible ; en 2007, le Nigeria a entrepris de lever les restrictions portant sur les opérations sur comptes courants et le contrôle des changes pour que le Naira soit convertible en 2009. Ces deux pays disposent des richesses minières considérables (pétrole au Nigeria, coltan en RDC).
L’Égypte s’est dotée d’une « livre » depuis 1834, qui n’est devenue convertible qu’en 2003. Antérieurement, elle ne pouvait être changée qu’en Égypte.
L’ensemble des pays francophones d’Afrique de l’Ouest, devraient s’unir en une zone monétaire soutenue principalement par les richesses du Niger3 (Uranium) et de Côte d’Ivoire (pétrole, gaz, café-cacao, etc)4, du Burkina-Faso (coton) et sa position géographique qui lui confère un rôle stratégique important (Dakar au centre de l’Atlantique5), Abidjan, Lomé, face au bassin pétrolier du golfe du Bénin.
Ces pays se sont dotés d’un droit des affaires commun. Ils ont l’habitude de se concerter au sein de la CEDEAO ; il leur reste à franchir un pas : se doter d’une organisation monétaire commune disposant de pouvoirs de décision et couper le cordon qui les relie au Trésor français.
Les affairistes de la France-à-fric ne pourront qu’apprécier les effets d’une relation de change conforme à ce qu’ils rencontrent partout ailleurs dans le monde ; selon la relation qui s’établira avec l’euro, ils décideront soit de rester cantonnés dans des activités d’exploitation de services publics privatisés, ou d’investir dans la délocalisation d’établissements sis dans des parties de l’Union européenne aux codes du Travail particulièrement protecteurs.
De leur côté, il appartiendra aux États d’Afrique de décider s’il préfèrent préserver les « acquis » d’une frange de leur population à côté de laquelle des milliers de personnes vivent bien en-dessous du seuil de pauvreté, se demandant chaque jour comment elles mangeront, certaines travaillant chacun des sept jours de la semaine pour un salaire non déclaré, sans la moindre protection sociale, de 25 000 fcfa par mois, ou abroger l’essentiel de ces codes au risque de mécontenter ceux qui vivent sous ces parapluies, en favorisant l’entrée d’investisseurs étrangers.
La création d’une monnaie commune ouest-africaine n’est qu’un premier pas vers l’industrialisation de la région ; il est sans effet sans l’accompagnement juridique. La situation des travailleurs chinois (vietnamiens, malaisiens, etc) n’est pas une référence humaniste ; elle est une nécessité dans l’environnement globalisé.
La fin des « acquis sociaux » est une conséquence inéluctable de la chute de l’Union soviétique. Seuls peuvent se crisper dessus, ceux qui ont la chance d’en profiter égoïstement.
Par Claude Garrier