Fin des accords militaires avec la France : réactions véhémentes du Tchad et du Sénégal aux déclarations de Macron


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Emmanuel Macron, Président français
Le chef de l'Etat français, Emmanuel Macron

La récente déclaration d’Emmanuel Macron concernant le retrait des troupes françaises de plusieurs pays africains et ses propos sur l’« ingratitude » de certains dirigeants africains ont suscité de vives réactions de la part des autorités de deux nations africaines majeures : le Tchad et le Sénégal. Ces derniers ont fermement contesté les propos du Président français, estimant qu’ils étaient non seulement erronés, mais également empreints de mépris à l’égard de l’Afrique.

Lors de la conférence des ambassadeurs organisée les 6 et 7 janvier à Paris, Emmanuel Macron a évoqué la fin de certains partenariats militaires avec l’Afrique. Non sans souligner l’importance des négociations menées entre la France et plusieurs gouvernements africains. Il a également critiqué ce qu’il considère comme une « ingratitude » de certains dirigeants africains, suggérant que ces pays n’auraient pas retrouvé leur souveraineté sans l’aide de l’armée française.

Ces déclarations ont immédiatement provoqué une réaction immédiate et virulente de la part des responsables politiques africains. Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko et le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, ont vivement dénoncé les propos du président français, jugeant ceux-ci inappropriés et blessants.

Ousmane Sonko et sa réponse cinglante et intransigeante

Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a été l’un des premiers à réagir aux déclarations d’Emmanuel Macron. Le Sénégal, qui a annoncé la fin de la présence militaire française sur son sol en 2025, a fermement contesté l’affirmation selon laquelle des négociations auraient eu lieu sur ce retrait. Sur le réseau social X (anciennement Twitter), Sonko a qualifié cette affirmation de « totalement erronée », précisant qu’aucune discussion n’avait été menée entre la France et le Sénégal sur cette question. Pour Ousmane Sonko, cette décision relève de la souveraineté totale du Sénégal, un pays libre et indépendant. Il a souligné que ce choix ne résulte pas d’une négociation avec la France, mais d’une volonté claire du gouvernement sénégalais.

De plus, il a riposté à l’accusation d’ingratitude portée par Macron, en déclarant : « La France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains, comme la Libye, avec des conséquences désastreuses sur la stabilité et la sécurité du Sahel ». Ousmane Sonko a ainsi remis en question la légitimité de la France à jouer un rôle de gendarme sur le continent africain, arguant que les répercussions des interventions françaises dans certaines régions, comme la Libye, ont souvent été négatives pour les pays africains.

Le Tchad répond durement à Emmanuel Macron

Le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a également exprimé une vive critique à l’égard des propos d’Emmanuel Macron. Dans un communiqué lu à la télévision nationale, Koulamallah a déploré ce qu’il a qualifié de « mépris » manifesté par la France à l’égard de l’Afrique. Il a exigé des dirigeants français qu’ils apprennent à respecter le peuple africain et qu’ils reconnaissent l’importance des sacrifices consentis par l’Afrique, notamment lors des deux guerres mondiales, où des milliers d’Africains ont perdu la vie pour libérer la France.

Abderaman Koulamallah a souligné que ces sacrifices avaient été largement minimisés, sans qu’un « remerciement digne de ce nom » n’ait été exprimé par la France. Pour le ministre tchadien, l’attitude de Macron témoigne d’un manque de reconnaissance envers l’Afrique et de la tendance de la France à ignorer l’histoire commune entre les deux continents. Selon lui, les propos du président français ne font qu’aggraver une situation déjà tendue et érodent les relations entre la France et ses anciens partenaires africains.

Le Tchad et la fin des accords militaires

Depuis plusieurs mois, le Tchad, dirigé par le Président Mahamat Idriss Déby, a pris des mesures drastiques en matière de politique de défense. En novembre 2024, le pays a annoncé la fin de ses accords de défense avec la France, mettant ainsi fin à plus de six décennies de présence militaire française sur son territoire. Cette décision a été prise après une longue réflexion, a expliqué Aziz Mahamat Saleh, ministre des Infrastructures et porte-parole du gouvernement tchadien. Selon lui, cette décision répond à la volonté souverainiste du peuple tchadien, désireux de prendre en main sa propre sécurité sans l’ingérence de forces étrangères.

Le retrait des troupes françaises du Tchad a été entamé avec le départ des avions de chasse français et la libération de la base de Faya-Largeau le mois dernier. Le gouvernement tchadien a également annoncé que les troupes françaises quitteraient la base militaire d’Abéché le 11 janvier 2025. Le retrait complet des forces françaises est prévu pour le 31 janvier 2025, conformément à l’accord convenu avec Paris.

Une volonté de souveraineté et d’indépendance

Les autorités tchadiennes estiment que, pendant des années, la présence militaire française n’a été bénéfique qu’aux intérêts stratégiques de la France, sans véritablement contribuer au développement du Tchad. Le ministre Aziz Mahamat Saleh a rappelé que cette décision n’avait pas été prise à la légère, mais qu’elle répondait à une volonté claire du gouvernement tchadien de préserver sa souveraineté et de se libérer de toute tutelle étrangère en matière de sécurité.

De son côté, Abderaman Koulamallah a insisté sur le fait que la France devait respecter la politique souveraine du Tchad et ne plus interférer dans les choix internes du pays. Le retrait des troupes françaises est vu comme un acte symbolique fort de l’affirmation de l’indépendance du Tchad face à une puissance étrangère qui, selon les autorités, a souvent agi dans ses propres intérêts.

Une tension croissante dans les relations France-Afrique

Les récentes déclarations d’Emmanuel Macron, combinées aux réactions fermes du Sénégal et du Tchad, révèlent une profonde tension dans les relations entre la France et certains pays africains. Si la France continue de justifier son rôle en Afrique en tant que force de stabilisation et de soutien à la sécurité, de plus en plus de voix sur le continent dénoncent cette vision paternaliste et appellent à une révision des relations diplomatiques et militaires. Le retrait des troupes françaises semble désormais acter une rupture nette dans ces partenariats, avec des implications potentiellement importantes pour la politique africaine de la France dans les années à venir.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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