Fin de la consultation des forces vives de la nation au Mali : un boulevard ouvert pour le général Assimi Goïta


Lecture 4 min.
Le Colonel Assimi Goïta
Assimi Goïta, président de la Transition du Mali

La Phase nationale de la consultation des forces vives de la nation a été clôturée mardi, au terme de deux jours de travaux abrités par le Centre international de Conférence de Bamako (CICB). Ces assises ont accouché de recommandations aussi radicales qu’inédites dans l’histoire politique contemporaine du Mali, ouvrant désormais un boulevard pour le président de la Transition, le général Assimi Goïta.

Devant une salle comble, les représentants des forces vives nationales et de la diaspora ont appelé à une refonte totale du paysage politique malien, sous la présidence du Premier ministre, le général de division Abdoulaye Maïga, en présence d’une large délégation gouvernementale.

Des propositions de rupture

Trois grandes thématiques ont structuré les discussions : la réduction du nombre de partis politiques, la relecture de la charte des partis, et la lutte contre le nomadisme politique. Les recommandations qui en sont issues traduisent une volonté assumée de mettre fin au modèle multipartite actuel, jugé inefficace et source d’instabilité.

La mesure la plus spectaculaire reste la dissolution de l’ensemble des partis politiques existants, assortie de conditions draconiennes pour toute éventuelle reconstitution : une caution de 100 millions de FCFA, une représentativité nationale étendue, et des restrictions d’âge pour les dirigeants – 25 ans au moins et 75 ans au plus –. La suppression du financement public des partis, et l’exclusion des chefs traditionnels et religieux de toute participation électorale, accentuent encore cette volonté de reconfigurer de fond en comble l’espace politique.

Vers un pouvoir personnalisé et renforcé

Parmi les propositions les plus controversées figure l’élévation du général d’armée Assimi Goïta au rang de président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable, à compter de 2025. Cette recommandation, directement inspirée des trajectoires similaires de dirigeants de la coalition AES (Alliance des États du Sahel), marque un tournant vers une consolidation autoritaire du pouvoir exécutif.

En parallèle, les participants appellent à la suspension des processus électoraux jusqu’à la « pacification du pays », ainsi qu’au maintien des autorités de la transition pour une durée indéterminée. Des dispositions sont aussi envisagées pour encadrer plus strictement les manifestations politiques, avec le maintien d’un régime d’autorisation préalable.

Refonte juridique et verrouillage institutionnel

La relecture de la charte des partis politiques prévoit également la suppression du statut de chef de file de l’opposition, jugé superflu et budgétivore. L’audit des fonds alloués à ce poste est également recommandé, dans une optique de recentrage des ressources publiques sur les priorités de développement. Sur la question du nomadisme politique, les propositions vont dans le sens d’une interdiction stricte de tout changement de parti en cours de mandat, avec des sanctions allant jusqu’à l’inéligibilité pour les formations accueillant les « élus nomades ».

En matière électorale, le durcissement est également visible : une caution de 250 millions de F CFA pour la Présidentielle, l’instauration d’un scrutin à un seul tour, et une réglementation du parrainage politique figurent parmi les mesures proposées pour réduire le nombre de candidatures et renforcer la légitimité des futurs dirigeants.

Une transition verrouillée au nom de la stabilité

Pour les organisateurs, ces consultations s’inscrivent dans le prolongement des Assises nationales de la refondation (ANR) et de la Constitution promulguée en juillet 2023. Elles visent, selon le Premier ministre Abdoulaye Maïga, à « tourner les pages obscures de l’histoire du pays ». Il s’est engagé à transmettre sans délai les recommandations au président de la Transition. Si ces propositions étaient entérinées, le Mali entrerait dans une nouvelle phase politique marquée par une recentralisation du pouvoir, une marginalisation des partis traditionnels, et une gouvernance fortement personnalisée autour de la figure du Président Goïta.

Mais ces changements radicaux suscitent déjà des inquiétudes parmi les défenseurs de la démocratie pluraliste. Ces derniers craignent que la suppression des partis, le recul des libertés politiques et le verrouillage des institutions n’enterrent définitivement la démocratie au Mali si ces mesures venaient à être effectivement mises en œuvre.

Avatar photo
Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
Facebook Linkedin
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News