Fidèle Toé : les autorités ghanéennes « avaient prévenu Thomas Sankara »


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Thomas Sankara, ancien Président du Faso
L'ancien Président du Burkina Faso, Thomas Sankara

Fidèle Toé a fait sa déposition à la barre, en tant que témoin dans le cadre du procès de l’assassinat de Thomas Sankara, ce mardi. Il est l’une des dernières personnes à qui le capitaine a parlé avant d’être fauché.

Le deuxième témoin à être auditionné à la barre, mardi 30 novembre, dans le cadre du procès de l’assassinat de Thomas Sankara est l’inspecteur du travail à la retraite, Fidèle Toé, ministre du Travail et de la Fonction publique au moment des événements du 15 octobre 1987. De sa déposition, il ressort qu’il y avait effectivement des mésententes entre les quatre premiers responsables de la révolution, à savoir : les capitaines Thomas Sankara,lui-même, Blaise Compaoré, Henri Zongo et le commandant Jean-Baptiste Boukari Lingani. Mais, le témoin a déclaré avoir été très content, le 14 octobre 1987, parce qu’à l’occasion du conseil des ministres, le Président Thomas Sankara avait personnellement abordé le sujet. « À la fin (du Conseil des ministres, ndlr), quand les ministres rangeaient leurs papiers et s’apprêtaient à sortir, Thomas Sankara nous a interpellés en nous demandant pourquoi nous n’avons pas posé des questions sur la situation nationale ».

Confirmant les rumeurs qui faisaient état de l’existence d’importants points de friction entre les principaux leaders de la révolution, Thomas Sankara a rassuré son auditoire qu’ils avaient discuté entre eux et qu’ils avaient réussi à aplanir leurs difficultés. Le témoin s’était alors dit que le Président du Faso avait « crevé l’abcès ». Le 15 octobre, selon son témoignage, Fidèle Toé fait partie des dernières personnes à qui le capitaine, Président du Faso, a pu parler avant la minute fatidique. C’est du moins ce qui ressort clairement de ses propos. « Vers 15 h 55, 16 h, j’ai encore appelé pour savoir ce qu’il en était. C’est là qu’elle (la secrétaire de Sankara, ndlr) m’a passé le Président qui m’a dit de passer à 18 h pour qu’on en parle ». Les deux hommes devaient discuter de certains sujets relatifs au ministère du Travail.

Fidèle Toé a confié à la Cour avoir contacté un ami gendarme, Drabo Adama, pour comprendre ce qui se passait, lorsque les coups de feu ont commencé par se faire entendre du côté du Conseil de l’entente. C’est chez cet ami qu’il a passé la nuit du 15 octobre, et a appris à la radio ce qui s’était passé dans la journée. Se sentant menacé après les événements, Fidèle Toé a pris le chemin de l’exil qui l’a conduit au Ghana où il a vécu pendant deux ans. C’est sur place qu’il a appris que Jerry Rawlings avait pris des dispositions pour accueillir Thomas Sankara qu’il savait en danger de mort. « Du Ghana, j’ai entendu beaucoup de choses. Les autorités ghanéennes m’ont bien accueilli. Elles m’ont confié qu’elles avaient prévenu Thomas Sankara et lui avaient même préparé une villa pour l’accueillir, mais il a refusé de venir ».

Des propos qui vont dans le sens d’une déclaration de Mousbila Sankara qui, ce même mardi, avait affirmé : « Thomas aurait pu se mettre à l’abri s’il n’avait pas l’âme suicidaire ». Du Ghana, Fidèle Toé a rejoint le Congo où il a passé cinq ans avant de rentrer au Burkina Faso. Au retour de l’ancien ministre, son ami Drabo Adama lui raconte ses déboires avec les autorités, son incarcération, puisqu’il était accusé de l’avoir aidé, lui Fidèle Toé, à prendre le large. Drabo Adama a confié à son ami qu’il n’a pu se tirer d’affaire que grâce à l’aide de Jean-Pierre Palm, qu’il lui a d’ailleurs suggéré de remercier. Les deux hommes se sont alors rendus au domicile de Jean-Pierre Palm. Au cours des échanges, ce dernier aurait laissé entendre : « Si tu étais resté, on allait t’obliger à dire qu’il y avait un complot à 20 h où Thomas allait faire tuer les autres ».

Invité à la barre pour une confrontation, Jean-Pierre Palm n’a pas reconnu avoir tenu ces propos ni même avoir reçu la visite des deux hommes.

A lire : Procès Thomas Sankara : le témoin Mousbila dédouane Comparé et charge Kafando et Diendéré

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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