Festival de Dakhla : « une bonne image au Royaume et au niveau international »


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El Mami Boussif
El Mami Boussif, président de l’association organisatrice du festival de Dakhla

Retour sur le festival Mer et Désert de Dakhla, avec l’un de ses principaux promoteurs, El Mami Boussif, le président de la région Oued Eddahab Lagouira. Organisé sous le haut patronnage du roi du Maroc, Mohamed VI, au Sahara Occidental, en mars dernier, l’événement a été l’occasion pour les Dakhlaoui de faire la fête et pour ses organisateurs de promouvoir le développement de cette région dont le statut est toujours en discussion à l’ONU.

El Mami Boussif est le président de l’association organisatrice du festival de Dakhla, qui s’est tenu du 27 février au 3 mars dernier en plein Sahara Occidental. Egalement président de la région Oued Eddahab Lagouira, dont Dakhla est la capitale, et membre du Conseil royal consultatif des affaires sahariennes (Corcas), un dispositif créé par le roi du Maroc Mohammed VI, il fait le bilan de la deuxième édition de l’événement, tout en revenant sur le rejaillissement qu’il en attend d’un point de vu économique et diplomatique.

Afrik : Etes-vous satisfait du déroulement du festival de Dakhla ?

El Mami Boussif : En tant qu’organisateurs, nous ne sommes jamais satisfaits à 100% , il y a toujours des choses à améliorer. Mais dans l’ensemble, tout s’est bien passé. La population a eu droit à de très beaux spectacles. Rendez-vous compte que Kazem al Saher a rassemblé près de 60 000 personnes pendant quatre heures de concert – il ne devait jouer qu’une heure trente mais il a aimé le public et il ne voulait plus s’arrêter ! Nous avons d’ailleurs installé des écrans géants supplémentaires au dernier moment face à l’afflux du public.

Pour ce concert, des gens de tout le Maroc sont venus, Laayoune, Boujdour, Marrakech, Tanger. Nous avons même eu la surprise de voir venir son fan club d’Europe ! Ce qui nous a fait le plus plaisir est la venue de très nombreux Mauritaniens qui se sont déplacés spécialement pour le festival. Donc lorsque vous voyez tout ça vous ne pouvez qu’être satisfait du festival puisque la population a pu se divertir.

Quelles améliorations souhaiteriez-vous apporter lors de la prochaine édition ?

Nous sommes en train d’établir le bilan général de l’organisation avec une évaluation précise faite par chaque commission (hébergement, restauration, transport, artistique, sport etc) Nous allons nous réunir pour tirer les conclusions. Nous en sommes seulement à la deuxième édition et nous bénéficions déjà d’une bonne image tant au Royaume qu’au niveau international. Nous devons donc maintenir le cap et toujours faire mieux, ce sera là le défi des prochaines éditions ! Le festival a d’ailleurs été élu festival de l’année par le magazine Telquel qui est, comme vous le savez, totalement indépendant.

Quelles retombées économiques, culturelles, politiques et diplomatiques en attendez-vous ?

Les retombées du festival sont en effet multiples : en premier lieu, nous souhaitons accueillir plus d’investissements dans les secteurs clefs de la région que sont la pêche maritime, l’agriculture (hors sol et élevage) ainsi que le tourisme que nous sommes en train de développer. Je suppose que vous avez goûté nos huîtres, tous les touristes nous disent qu’elle sont presque meilleures que celles de la côte atlantique française ! C’est pour nous une grande fierté mais aussi un levier de développement que nous encourageons. Nous avons déjà cinq ostréiculteurs et nous pouvons encore en accueillir d’autres.

Idem dans le tourisme, le festival est l’occasion de montrer nos formidables et uniques paysages où le désert et la mer se marient. Nous mettons en avant les sports de glisse puisque notre baie est devenue l’un des meilleurs spot de kite-surf et de windsurf au monde. Les passionnés de ces sports appellent déjà Dakhla « le Hawaii de l’Europe », en raison de notre grande proximité avec le « vieux continent ». Grâce au festival et à la compétition internationale que nous avons organisée, le monde entier verra Dakhla dans la presse spécialisée et nous allons pouvoir augmenter le nombre de touristes. Nous recevons aussi de très nombreux touristes retraités qui passent l’hiver chez nous pour le soleil et la tranquillité des lieux.

Les retombées culturelles sont aussi importantes puisque nos artistes sahraouis ont l’occasion de jouer avec les artistes internationaux. Nous avons organisé une résidence d’artistes formidable avec le collectif Désert Rebel, les touareg du Niger. Les groupes locaux Selmou, Doueh et Zghalaina ont donc joué avec eux et avec l’algérien Amazigh Kateb pendant une semaine pour préparer deux ou trois chansons. Le festival permet donc de belles rencontres artistiques. Mais ce n’est pas tout : deux associations ( L’boulevard et Music Against Ignorance) nous ont aidé à organiser des ateliers de musique au profit des jeunes de Dakhla et je vous invite à visionner les vidéos de ces ateliers sur notre site web : Dakhla-festival.com. Les jeunes ont appris à utiliser les logiciels de création musicale assistée par ordinateurs et aussi à jouer de la guitare, et nous espérons que l’an prochain, certains d’entre eux se produiront sur scène.

En ce qui concerne les retombées politiques, le festival est une occasion de plus de montrer notre manière de vivre, la stabilité et la quiétude des provinces du sud. Toute la population a assisté aux concerts, sans problème de sécurité ni de violence. Le public s’est amusé et vous savez qu’un sourire ne s’achète pas. Il suffit d’assister aux concerts pour s’en apercevoir. Nous vivons normalement et nous sommes fiers de le démontrer sans contestation possible. J’attire aussi votre attention sur la programmation artistique : peu de pays africains autorisent aujourd’hui par exemple Tiken Jah Fakoly à se produire. Eh bien, chez nous, il s’est produit et à aucun moment quelqu’un lui a demandé de censurer ses paroles.

Le festival sert aussi à montrer que le Maroc s’est ouvert, que chacun est libre de ses pensées et de son discours et ceci est une grande avancée pour nous. C’est aussi pour nous, Sahraouis, l’occasion de renouveler notre attachement à notre patrie et à notre Roi. D’ailleurs, Sa Majesté le Roi Mohamed VI nous a fait l’honneur de nous octroyer son Haut Patronage pour le festival et nous en sommes très fiers et très reconnaissants. Sur le plan diplomatique, nos invités sont devenus nos ambassadeurs, c’est pour nous un honneur.

L’administration, les services, les forces de sécurité… Tout dans la ville de Dakhla laisse penser au voyageur qu’il se trouve en terre marocaine. Dans ces circonstances, qu’attendez vous des négociations actuelles entre Rabat et le front Polisario ?

Bien évidemment que nous sommes en terre marocaine. Notre région Oued Eddahab Lagouira est même la porte du Maroc vers l’Afrique Sub-saharienne. Le Maroc a proposé une solution avec une large autonomie pour les provinces du sud. Cette proposition bénéficie du soutien de très nombreuses nations influentes sur le plan international. Ce plan d’autonomie est soutenu et porté par nous les Sahraouis. Nous souhaitons que l’Algérie avance avec nous pour le développement du Grand Maghreb, c’est ce que nous attendons des négociations.

Lors d’une brève interview que vous nous avez accordée lors du festival, à Dakhla, vous nous avez expliqué que le conflit du Sahara « concerne le Maroc et l’Algérie ». Cela signifie-t-il qu’en tant que président de Région, vous êtes extérieur aux négociations en cours ?

J’ai dis entre le Maroc et l’Algérie pour souligner que c’est bien l’Algérie qui dirige le Polisario. Le problème du Sahara remonte à la guerre froide. L’Algérie, qui faisait partie du bloc de l’Est, a créé le Polisario pour tenter de nous affaiblir, nous qui étions du côté du bloc de l’Ouest. Quant à mon implication dans les négociations, elle est pleine et entière puisque j’agis d’abord au niveau local avec l’ensemble des chefs de tribu, pour discuter de nos attentes vis à vis de l’autonomie. Ensuite, j’agis au niveau national : je présente nos attentes aux négociateurs.

Enfin, je fais partie du Conseil Royal Consultatif des Affaires Sahariennes (Corcas). Il s’agit d’une assemblée qui regroupe toutes les forces vives du Sahara dont le président fait partie de la délégation qui négocie à New York. Donc je suis tout à fait impliqué dans les négociations et je suis le relais de mes administrés concernant l’autonomie. Ce projet d’autonomie a été rédigé suite à nos propositions au sein du Corcas en concertation avec les parties politiques.

En tant que président de la Région, avec mon équipe, nous sommes très attentifs au développement de la région et c’est le plus important pour nous : améliorer les infrastructures, développer l’investissement créateurs d’emplois, encourager les jeunes à poursuivre leurs études. Parmi les projets en cours, nous avons : l’amélioration de notre service de santé et de toutes les autres infrastructures. Des milliers de logements sociaux sont en fin de réalisation. Nous avons organisé un festival avec plus de 70 journalistes étrangers complètement libres de voir et de parler avec qui ils voulaient.

Le Maroc a changé, nous sommes aujourd’hui sanctionnés par les élections, il ne faut pas l’oublier. Je vous donne rendez-vous l’an prochain pour vérifier ce que je vous ai dit ce jour. Je voudrais ajouter que notre région est ouverte à tout le monde et que nous serions ravis d’accueillir l’ensemble des pays africains à notre prochain festival.

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