La vingtième édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) se tiendra du 24 février au 3 mars prochain à Ouagadougou, la capitale burkinabè. Afrik.com a rencontré Baba Hama, son délégué général, lors du lancement de l’événement, la semaine dernière, à Paris.
Pour les 20 ans de son existence, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a choisi de se décliner autour du thème » Cinéma africain et diversité culturelle » qui fera l’objet d’un colloque. En sélection officielle, dans la catégorie long-métrage, vingt films concourent. Parmi eux le film sud-africain Tsotsi, oscar 2006 du meilleur film étranger, Barakat de l’Algérienne Djamila Sahraoui, Daratt du cinéaste tchadien Mahamat Saleh-Haroun ou encore Africa Paradis du Béninois Sylvestre Amoussou. Cette édition sera aussi l’occasion de découvrir les cinémas marocain et malien. Le premier fait l’objet d’un focus, le second d’une rétrospective. Au programme également, le lancement de la collection DVD/Cinémathèque Afrique dont les deux premiers coffrets rassembleront les films qui ont reçu l’Etalon de Yennenga.
Afrik.com : Comment sera décliné ce thème de la diversité culturelle pendant cette 20e édition du Fespaco ?
Baba Hama : Il le sera principalement dans le cadre d’un colloque qui va rassembler des institutions et organismes œuvrant dans le sens de la promotion de la diversité. Ce colloque va se pencher sur la façon dont doit exister le cinéma africain dans ce contexte de mondialisation et son apport dans cette diversité culturelle. On y réfléchira également aux rôles que devront jouer les professionnels et les institutions pour que ce cinéma existe véritablement, une nécessité si le cinéma africain compte contribuer à cette diversité culturelle. Les films sélectionnés en sont également le reflet. Nous avons reçu des films qui viennent pratiquement de l’ensemble du continent africain. Aujourd’hui, on parle même des cinémas d’Afrique. En 2005, c’était déjà 82 pays qui étaient représentés. Cette année, nous attendons à peu près le même nombre de nations d’Afrique, d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Ce brassage de festivaliers sera aussi une célébration de la diversité culturelle.
Afrik.com : Ces 20 ans ans d’existence du Fespaco ont été jalonnés de baisses de régime, à l’image du cinéma africain qui peine encore…
Baba Hama : C’est une quête permanente, c’est un cinéma qui est né dans un contexte particulier, celui des pays en voie de développement. La situation de ce cinéma est à l’image de la leur. Autant nos pays s’attèlent à se développer au quotidien, autant le cinéma africain doit faire de même, c’est un travail de longue haleine. Ce que vous appelez le marasme est peut-être un situation générale, mais ce n’est pas pour autant que les hommes et les femmes de ce secteur baissent les bras. Je pense que ce sont des gens que l’on doit encourager. Il n’est pas rare d’entendre que le cinéma est un luxe pour le continent africain. Ce n’est pas l’avis des professionnels, au contraire l’Afrique doit pouvoir créer ses propres images afin de donner à l’ensemble de l’univers sa propre vison du monde. La prolifération des antennes paraboliques dans nos pays, c’est autant d’images d’ailleurs qui submergent notre continent et façonnent souvent la manière de penser et de voir de nos jeunes. Plus il y aura de productions cinématographiques et audiovisuelles, plus la culture africaine sera inculquée à cette jeune génération qui en a bien besoin.
Afrik.com : Créer des images certes, mais faudrait-il encore que le public auquel il est destiné puisse les voir. Certains films africains ne sont jamais distribués sur le continent car dans la plupart des pays, il n’y a plus de salles de cinéma. Que peut faire le Fespaco pour améliorer la distribution des films africains en Afrique ?
Baba Hama : A ce niveau, il n’y pas que le festival qui soit concerné, même s’ il est vrai que c’est un cadre de discussion et d’éveil des consciences sur certains problèmes. Heureusement, pour nous, que ce débat ne se fait pas seulement qu’entre professionnels, il se fait aussi entre décideurs. Lorsque les salles ferment, nous pensons qu’il y a des solutions qui peuvent être apportées en incitant les promoteurs à édifier des salles. Cela peut se faire grâce à des mesures comme la défiscalisation sur la base de décision politiques. Je pense aussi à la mise en place de billetteries, encore faudrait-il savoir le nombre de spectateurs pour pouvoir calculer la rentabilité des films afin de procéder à une redistribution via, par exemple, les droits d’auteurs. Ce sont ce type de mesures que les décideurs politiques pourraient prendre pour favoriser l’émergence du cinéma africain. Si en Europe, en dépit de la concurrence de la télévision, l’on construit encore des duplex et des multiplex, cela veut dire que l’activité cinématographique peut être viable. C’est une industrie comme une autre qui comprend bien évidemment aussi des risques. Il faut surtout sensibiliser le secteur privé africain. Jusqu’ici, on s’est plutôt concentré sur les Etats qui ont déjà d’énormes priorités. Il faut nécessairement impliquer le secteur privé dans le champ de la culture.
Afrik.com : Cette année, le Fespaco mettra un accent particulier sur le documentaire…
Baba Hama : Nous avons voulu valoriser le documentaire parce que les années précédentes ils concourraient avec les courts métrages. Le documentaire est un secteur en pleine croissance. Car les grandes chaînes internationales ont des besoins en matière de programme et l’un des produits phares, ce n’est pas la fiction, mais le documentaire. Cela constitue un débouché pour le cinéma africain.
Afrik.com : La musique est aussi à l’honneur avec l’illustre parrain de cette 20e édition, Manu Dibango…
Baba Hama : Je luis disais encore très récemment qu’on continuait encore de fredonner cet air qu’il avait créé pour Les tams tams se sont tus. C’est quelqu’un qui a beaucoup collaboré avec les cinéastes africains. Nous organisons, par ailleurs, un panel sur la musique de film, dans le cadre du Marché international du cinéma et de la télévision, le Mica, afin de réfléchir sur l’apport de la musique dans la promotion commerciale d’un film. Certaines Bandes Originales ont fait le succès d’un certain nombre de films et vice versa.
Afrik.com : Quelles sont les autres nouveautés de cette édition et que doit-elle déjà inspirer ? De l’espoir ?
Baba Hama : C’est une nouvelle édition et toute édition est un projet nouveau ! (rires). Le cinéma africain est un cinéma jeune, donc plein d’avenir.
Visitez le site du Fespaco