Choisir le métier de journaliste lorsqu’on est une femme et que l’on vit en Afrique, est loin d’être facile et anodin. Pourtant au Sénégal, les femmes sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers cette profession. A travers la vie de l’une d’elle se dessine un journalisme qui se décline à l’africaine et au féminin.
A l’ISSIC , Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication, à Dakar,on insiste volontiers sur l’engouement de plus en plus en plus prononcé qu’ont les jeunes Sénégalaises pour le journalisme. Cette année, et pour la première fois, le nombre de femmes inscrites à la formation a dépassé le nombre d’hommes.
Seynabou Mbodj est correspondante permanente du magazine Diva pour le Sénégal et la région. Elle a commencé le journalisme à 24 ans, elle en a trente aujourd’hui. Depuis six ans, elle s’est dévouée sans faillir à ce métier qu’elle adore : » mon destin c’est d’écrire. Je ne peux pas m’arrêter d’écrire « .
Dans les pas d’une grande soeur journaliste, elle passe le concours d’entrée du Centre d’étude des sciences et techniques de l’information (CESTI) en 1988, au milieu d’une majorité écrasante de garçons. Elle est la seule fille admise cette année-là. » Jusqu’ici, le CESTI formait beaucoup plus de garçons, mais depuis ces trois dernières années, cela a évolué. La nouvelle direction de l’école fait en sorte qu’il y ait un minimum de filles « , explique Seynabou.
Sujets » féminins «
En quatre ans d’apprentissage, elle enchaîne les stages : Sud Quotidien, Le Soleil et enfin Wal Fadjri, qui l’engage avant même qu’elle ne soit sortie de l’école. A Sud hebdo comme à Walf, elle est la seule femme a avoir le statut de journaliste et elle ne trouvera qu’une seule consoeur au Soleil. » Les hommes m’ont très bien acceptée. Il manquait une touche féminine au sein de la rédaction. A Walf j’ai bien sûr été taquinée, surtout à propos des horaires, mais c’était très bon enfant. «
Malgré les diplômes et la compétence, la tentation est grande de confiner les femmes journalistes dans certains sujets dits » féminins » comme la couverture des inaugurations de maternités ou des projets d’aide maternelle. » Il est vrai que lorsque cela concerne l’univers féminin, les femmes journalistes couvrent mieux l’événement, sans clichés, sans idées préconçues. Par exemple, j’ai mis en avant mon engagement pour le développement des femmes lorsque j’ai couvert la conférence de Beijing « .
Bien sûr il y a toujours des gens qui regarderont les femmes journalistes comme des femmes » libres « , c’est-à-dire des femmes faciles, car » notre métier nous amène à voyager, à être en contact avec beaucoup d’hommes, à être invitées partout… « . Mais Seynabou insiste : » Dire que les femmes journalistes sont mises à l’écart n’est plus d’actualité. Aujourd’hui les journalistes féminines ne sont plus mal vues par la société, car il y a beaucoup de femmes dans le milieu des médias. C’est une fierté pour la société, qui montre l’évolution des mentalités « .
Et même si Seynabou avoue qu’il est difficile de concilier vie familiale et vie professionnelle – » par exemple un reportage qui tombe alors que tu dois voir quelqu’un. Cela peut engendrer des désagréments et de l’incompréhension. Un jour, j’étais avec un ami au restaurant, et des personnalités importantes sont venues me serrer la main. Il était jaloux car selon lui je connaissais tout Dakar ! « -, elle ne quitterait le journalisme pour rien au monde.