Souvent décriées, à des postes subalternes, les femmes journalistes contre-attaquent en République démocratique du Congo. Elles se battent pour la publication de magazines de qualité en direction de la femme congolaise et montent à l’assaut du petit écran.
Christine Nyembo Feza est un petit bout de femme à la volonté farouche et au regard doux et droit. Représentante de la République Démocratique du Congo (RDC) aux Etats généraux de la presse francophone de Brazzaville, elle n’hésite pas à prendre la parole devant un parterre de journalistes très masculin. Drapée dans un boubou coloré, elle est impeccablement coiffée d’une parure de tresses. A Kinshasa, elle est journaliste à l’Agence congolaise de presse et se trouve parmi les rares femmes du métier à occuper un poste à hautes responsabilités.
Formée sur le tas en 1985 par les » anciens » de l’Agence de presse , elle considère avoir commencé sa carrière de journaliste » assez tard « . A 32 ans. » C’est un métier que j’aimais déjà très jeune. Je m’occupais du bulletin scolaire de mon école mais dans ma région (à Kiou, dans l’est du pays), il n’y avait pas d’institut de formation « .
Christine travaille et milite pour que chaque journal de son pays réserve au moins l’une de ses pages aux problèmes féminins et que l’image de la femme, véhiculée par ces mêmes journaux, soit améliorée. Luttant contre la mauvaise presse (sic) réservée aux femmes travaillant dans les médias, elle a intégré l’Association des journalistes de la presse féminine.
Renaissance
Cette dernière s’est créée en 1983 afin de présenter des productions de qualité à la femme congolaise et développer une presse qui place la femme au centre de ses préoccupations. » Dans les journaux nationaux, la politique prédomine. Il n’y a pas de pages spécifiques pour la femme. Celle-ci n’a pas un pouvoir économique suffisamment fort : elle veut bien lire les journaux mais ne peut pas les acheter « , explique Christine.
» Depuis que la presse existe chez nous, la presse féminine fait des apparitions sporadiques « , poursuit-elle. La presse féminine congolaise était florissante pendant la période coloniale, à la radio et dans les journaux. Dans les années 70, de nombreuses publications se sont développées, notamment féminines. Puis cette production s’est tarie mais » elle est en train de renaître « , affirme Christine.
Echos de la femme
La presse écrite au féminin se réveille elle-aussi. Le magazine le plus populaire » Echos de la femme « , un bimestriel tiré à 2 000 exemplaires, coûte environ 3 600 FCFA. Epais et touffu, il aborde divers sujets : la santé, la participation de la femme à la prise de décision et aux programmes de développement. » Il donne aussi quelques » recettes » : les techniques de fabrication du savon, de salaison du poisson, l’explication du micro-crédit. Tout cela pour améliorer les conditions de vie des femmes « , note Christine. Le magazine propose, dans sa rubrique » La femme du mois « , le portrait d’une femme qui a excellé dans un domaine, en RDC ou ailleurs, pour » montrer à la jeunesse des femmes qui ont réussi et donner envie d’étudier « .
Mais le grand projet qui fait briller les yeux de Christine est à venir. » Six associations se sont regroupées pour produire trente-deux émissions – seize pour la télé, seize pour la radio – à destination de la femme. Nous y parlerons de pouvoir économique, de politique, de paix et de médias. Tandis que des femmes discuteront sur le plateau, nous irons dans les quartiers pour faire des reportages « . Un défi car la plupart des émissions féminines sont tournées en studio. » Les femmes ont du mal à avoir du matériel et à se déplacer dans les quartiers périphériques « , regrette Christine.
Femmes de télé
Pourtant, en RDC, les journalistes au féminin ont le même statut que leurs confrères. Elles touchent le même salaire, ont droit à des congés maternité et envahissent les bancs des formations journalistiques. L’Institut facultaire de formation des journalistes de Kinshasa compte 70% de filles. » Les garçons s’y sentent comme des intrus « , s’amuse Christine.
Des femmes journalistes nombreuses mais pas aux postes supérieurs. » Il y a encore beaucoup de préjugés et les femmes montent difficilement en grade. Sur les cinquante directeurs de l’Agence Congolaise de Presse, je n’ai que deux consoeurs avec moi. Les rédactrices en chef, rédactrices en chef adjointes et secrétaires de rédaction se comptent sur les doigts de la main. »
Principal débouché pour les femmes journalistes : la télévision. » Attirées par le vedettariat, elles y sont très présentes « , explique Christine. Et grâce à la floraison des chaînes de télé, elles ne se cantonnent plus à la rubrique » femme » ou » société « . Certaines parlent de sport ou animent des débats politiques. L’avenir de la femme semble passer par la petite lucarne…