Lorsque l’on parle du féminisme dans sa forme abstraite et généralisatrice, on l’associe habituellement à la défense des droits de la femme blanche, hétérosexuelle, de classe moyenne ; on oublie les diverses nuances que doit prendre la réalité féminine, la pluralité des femmes, de leurs histoires, de leurs cultures, de leurs expériences et les manières possibles dont elles pourraient exprimer leurs sexualités.
Il n y a pas un modèle unique de femme, mais il coexiste une infinité de manières d’être femme, d’exercer la féminité et par conséquent, diverses formes de féminisme.
Le féminisme ne doit et ne devrait pas être unique, sa compréhension et sa manifestation dans ces termes exprimerait ainsi un caractère réductif, castrateur, exclusif et arbitrairement choisi.
Le féminisme traditionnel se constitue comme un féminisme qui rend invisible la femme afrodescendante, un féminisme qui semble exalter le processus de sujétion et de coercition auquel a été soumise la femme blanche dans nos sociétés, mais qui à son tour ne tiendra pas compte de l’exploitation, de la relégation, de l’esclavage et de la sous valorisation à laquelle fut exposée et soumise la femme afrodescendante en occident.
Dans un continent où “la réalité noire” a été associé au mutisme, à l’invisibilité, à l’ignorance, à la nuit et par conséquent à l’obscurité comme univers par nature inhospitalier, triste et plein de vices; la soumission à laquelle a été assignée la femme afrodescendante deviendra naturelle, et on la configurera comme objet chosifié du plaisir de l’homme blanc, dans le contexte d’une structure sociale qui historiquement l’a marginalisé par le biais d’un constant processus d’exclusion, en la reléguant dans un espace de vie sociale séparé et réduit.
L’histoire de la femme afrodescendante s’est défini en fonction de la triade de l’oppression: capitalisme, patriarcat et racisme, des éléments se soutenant les uns les autres en vue de leur maintien et de leur légitimation , correspondant aux critères d’exploitation, d’exclusion et d’appropriation selon lesquels le système a préconfiguré la femme comme étant inférieure à l’homme et “le noir” encore plus en dessous de la condition de la femme.
C’est la raison pour laquelle la femme afrodescendante dans nos sociétés sera triplement exploitée, affaiblie et subordonnée; non seulement par rapport à l’homme, à l’homme blanc, mais aussi à la femme blanche.
Elle sera subordonnée à la femme blanche en conséquence du fait que la femme noire a été définie et on exige d’elle qu’elle s’auto définissent à partir, et par rapport au prototype établi de la femme blanche, et ne trouve aucune référence en elle même, puisque que tous les agents socialisateurs auxquels elle a été à répétition exposée opèrent comme socialisateurs du racisme.
C’est pour cette raison que ses possibilités d’ascension sociale, familiale et personnelle seront décidées par l’adéquation effective de la femme afrodescendante aux caractéristiques physiques et comportementales de la femme blanche.
Il est donc nécessaire de décentraliser les modes par lesquels nous étudions et questionnons le sexisme, en donnant de l’espace à sa compréhension en relation avec sa présence historique et culturelle ; de même qu’en redéfinissant la féminité à partir de la réalité féminine, mais aussi une féminité partant du point de vue “du noir” même.
Par Esther Pineda, sociologue pour Nuestro Quilombo