Femi Kuti : « Je dis juste la vérité »


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Femi Kuti
Femi Kuti

Trois ans après Fight To Win, le fils de Fela Ransome Kuti, Femi Kuti, nous revient avec deux surprises réussies : Africa Shrine, un album live enregistré à Lagos et un DVD Live at the Shrine, où se mêle l’enregistrement des titres, interview du musicien, et ambiances du New Africa Shrine.

Retour aux sources donc et textes engagés pour Femi Kuti, pour un album qui est celui de la vérité. Actuellement en tournée européenne pour faire la promotion de son nouveau CD, il fait aussi celle de l’humanité, musique au poing. Il fait le point sur son parcours, son engagement, ses aspirations.

Vous êtes de passage à Paris pour la promotion de votre nouvel album, Africa Shrine. En parallèle, c’est aussi la sortie d’un DVD, intitulé Live at the Shrine. Les enregistrements ont eut lieu à Lagos… Pourquoi ?

Femi Kuti : C’était important pour moi de faire quelque chose qui permette au monde entier de voir comment le peuple nigérian réagit à mes chansons…qu’il puisse voir la salle du Shrine (l’ancien Shrine où se produisait son père ayant été détruit, Femi kuti avait décidé en 2000 d’en construire un nouveau, ndlr) sur un DVD, parce que beaucoup d’entre eux n’y sont jamais venu, mais aujourd’hui ils peuvent avoir le Shrine chez eux, et regarder le DVD. C’était aussi une bonne opportunité. Nous allions enregistrer au Nigeria, dans un studio, mai nous avons changé d’avis. Nous avons juste dit « Ok au Shrine ! »

Vous semblez plus engagé, plus militant qu’avant ….

Femi Kuti : Non, je suis juste plus moi-même. J’ai 42 ans. Les gens disent que je suis plus critique qu’avant, mais c’est peut être parce que j’ai vu le danger que je me suis pressé. Si nous ne résolvons pas nos problèmes rapidement, ça va aller de pire en pire. Le plus tôt sera le mieux. Je ne fais que me dire « dans 10 ans, dans 5 ans, qu’est ce que l’Afrique sera devenue ? ». J’ai toujours eu un discours politique et dénonciateur, mais les gens ne se sont peut être pas rendus compte que les problèmes s’accentuent…Alors en écoutant ma musique, la réalité va leur crever les yeux..

Aujourd’hui, quel est votre combat ?

Femi Kuti : Je me bats juste pour une meilleure vie, pour la justice, pour l’humanité. Mais ce n’est pas réellement un combat. Je dis juste la vérité. Je sais qu’il y a des injustices. Ce que les gouvernements français, américains et anglais font en Afrique avec nos gouvernements cause trop de souffrance aux peuples africains. Ils le savent. Tout le monde le sait. Mais personne ne sait comment résoudre le problème, puisque ceux qui en parlent font partie du problème. CNN m’explique le problème, mais CNN fait partie du problème. Bush m’explique le problème, alors qu’il est le principal problème. Comme son père l’était. Ils sont le problème depuis les indépendances. Mugabe (Zimbabwe, ndlr), Mobutu (Zaïre, ndlr), Obasanjo (Nigeria, ndlr), ce sont les mêmes personnes qui sont là. Ce n’est pas que je souffre, je mange trois repas par jour, je peux m’installer à Paris, acheter des petits appartements, un trois pièces, et rester travailler au studio. Mais ce n’est pas juste. Au Nigeria, nous n’avons pas d’électricité, pas d’eau, des millions d’enfants sont non scolarisés, ils n’ont pas de chaussures, pas de vêtements… Mais l’or, les diamants, le pétrole, tout vient de leur pays ! Comment ils expliquent cela ?

Quarante ans d’indépendance, et pas un seul pays africain ne peut faire quelque chose pour lui même. Mais tous les dirigeants viennent ici à Paris ou ailleurs, avec leur gros ventre, et disent « Oh nous sommes très pauvres ». Ça n’a plus aucun sens maintenant. Je parle seulement de la vérité, mon père est mort à cause de la vérité. Tout fils voudrait une revanche pour son père. Qu’a-t-il fait pour qu’on brûle sa maison ? Pourquoi a-t-il été frappé tant de fois ? Et la personne qui le persécutait, c’est l’actuel président du Nigeria. C’est Bush qui dit qu’il l’apprécie, c’est Tony Blair qui est d’accord avec lui, c’est Chirac qui l’accueille… Mais Chirac connaît la vérité. Chirac sait que c’est un dirigeant corrompu. Nous le savons tous.

Et qu’en est-il du mouvement que vous avez créé en 1998, le MASS (Movement Against Second Slavery) ?

Femi Kuti : J’ai arrêté, car les gens ont cru que c’était une histoire d’argent. Je me suis aperçu que j’avais dépensé tout mon argent là dedans et que je n’avais pas atteint mon objectif. Les gens ne m’écoutaient pas. Alors j’ai arrêté. A cause des « j’ai besoin d’argent pour ça », « j’ai besoin d’argent pour ci ». Alors que tout n’est pas une question d’argent.

Pourquoi avoir choisi les chansons devant figurées sur l’album par un vote au Shrine ?

Femi Kuti : Parce qu’ils (le public, ndlr) connaissent mes chansons. Ils avaient l’habitude de venir, boire un verre, fumer. Ils connaissent les numéros des chansons de la première à la dernière. Alors quand nous avons commencé à enregistrer, ils me disaient « met celle-là ! », « Je veux celle-là !», « met celle-ci ! » « Sois sûre que celle-là figurera ! » Alors je leur ai répondu « Ok attendez, vous allez voter ! Prenez tous un bout de papier, marquez tous les numéros que vous voulez ». Ils ont voté pendant deux semaines. Tout le monde votait pour tel ou tel numéro. Mais à la fin, le problème était toujours là ! Mais je me suis basé sur leurs choix pour construire la playlist de l’album.

À long terme, comptez-vous rester à Lagos ?

Femi Kuti : À l’heure où je vous parle, j’aimerais être à Lagos. Je ne veux pas quitter le Nigeria. Je suis fatigué. Je suis fatigué de faire ce que je fais depuis des années, je suis prêt à rester à Lagos. Je veux être avec le peuple, mourir avec lui, souffrir avec lui. Nous serons ensemble, comme le font les véritables leaders.

Dans votre avant-dernier album Fight To Win, vous disiez que la musique fera revenir l’Afrique sur la carte du monde. Trois ans plus tard, que pensez-vous de la position de l’Afrique et de son influence dans le monde ?

Femi Kuti : Nous luttons ! Et ça commence à prendre. Trois ans après, nous continuons tous à nous poser des questions. Imaginez qu’après Fight to Win je n’ai rien à dire ! Mais la force de la musique, c’est qu’elle m’a donné une arme différente, pour exprimer les aspirations du peuple au monde entier.

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Par Alexandra Gazel

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