Les actions engagées par le Président Félix Tshisekedi durant les cent premiers jours de son mandat tendent à démontrer qu’il y a une réelle volonté d’établir un État de droit et de poser les bases saines de reconstruction du tissu socio-économique du pays.
Toutefois, l’État de droit n’implique pas seulement de disposer d’un ensemble de lois conformes aux prescriptions des droits de la personne, mais aussi d’une administration publique professionnelle, transparente et indépendante de toute ingérence politique, et une saine gestion de l’appareil d’État. Dans une société régie par la primauté du droit, chaque décision doit être juste et répondre à des critères objectifs. Cela implique également de disposer d’un appareil judiciaire indépendant qui interprète et applique la loi de façon impartiale et transparente.
Pendant sa campagne électorale, Félix Tshisekedi avait promis des réformes d’ordre juridique, institutionnel et réglementaire pour améliorer le climat général des affaires en République démocratique du Congo (RDC), offrir la sécurité juridique et judiciaire aux opérateurs économiques et réduire le fardeau administratif et fiscal, susceptibles de favoriser l’esprit d’entreprise et la culture entrepreneuriale. Tout cela dans le but d’attirer les capitaux étrangers et les entreprises qui désirent s’y établir, en vue de stimuler la croissance économique et la création d’emplois.
En effet, les facteurs qui entravent au développement de l’entreprise privée en RDC sont notamment l’insécurité juridique et judiciaire, la corruption qui gangrène l’administration publique et le système judiciaire, l’instabilité politique et, par-dessus tout, la faiblesse de la qualité des services administratifs et la lourdeur administrative qui entraînent une perte du temps et des dépenses considérables pour les opérateurs économiques.
Cela étant, malgré le volontarisme dont il fait preuve, le Président Tshisekedi aura difficile à réaliser son engagement d’assainir l’environnement des affaires en RDC, avec une administration publique et un système judiciaire remplis des fonctionnaires et des magistrats qui baignent dans la corruption jusqu’à la moelle. La réalisation de cet engagement ambitieux dépendra, à la fois, de la volonté politique du gouvernement de coalition qui n’est toujours pas formé, quatre mois après son élection, et de la capacité de l’administration publique à fournir les services publics de qualité.
C’est pourquoi nous pensons que le Président Tshisekedi devra doter son pays d’une administration publique compétente et prête à l’appuyer dans le processus de prise de décisions éclairées, en lui prodiguant des avis techniques fondés sur des données probantes et en exécutant rigoureusement les décisions prises par son gouvernement au niveau national. Cela devra passer notamment par la rationalisation des processus décisionnels transparents et, surtout, par la lutte contre la corruption et ses corollaires répandues au sein de la fonction publique congolaise. La réforme de la fonction publique est donc une nécessité pour adopter des normes et des meilleures pratiques d’une l’administration publique moderne, promouvoir une culture de l’intégrité et renforcer les capacités des fonctionnaires dans la formulation des politiques publiques cohérentes et dans la gestion administrative et financière et d’en rendre compte.
Le nouveau gouvernement qui sera mis en place dans les prochains jours devra faire tout ce qui est en son pouvoir pour doter le pays d’une meilleure École d’administration publique pour assurer le renouvellement de la fonction publique avec un nouveau type de fonctionnaires et gestionnaires publics qui apprennent et intériorisent les valeurs éthiques fondamentales et les principes de base d’une administration publique moderne, telles que la responsabilité ministérielle, l’imputabilité, l’obligation de rendre compte, etc.
La création récente par le gouvernement congolais d’une École Nationale d’Administration Publique, appelée à devenir un établissement national de formation pour assurer l’acquisition de compétences en gestion publique et le perfectionnement des fonctionnaires en service, et la formation de la prochaine génération de fonctionnaires, est une initiative louable qui mérite de bénéficier d’un appui technique des meilleures écoles d’administration, pour accompagner la réforme des institutions publiques, réorganiser l’appareil de l’État congolais et façonner son administration publique.
Le partenariat conclu par le gouvernement congolais avec la prestigieuse École nationale d’administration (ENA) de France, pour bénéficier de son expertise en matière de formation des haut-fonctionnaires de l’administration publique valait son pesant d’or, compte tenu de la notoriété de cette école à l’échelle internationale. Mais avec la suppression éventuelle de l’ENA française, tel que souhaité par le président Emmanuel Macron, le gouvernement congolais devrait envisager sérieusement la possibilité de nouer de nouveaux partenariats avec d’autres prestigieuses écoles d’administration publique du monde francophone, pour assurer une meilleure formation des fonctionnaires congolais. L’École nationale d’administration publique (ENAP) du Québec qui forme des gestionnaires et hauts fonctionnaires publics, au Canada et à l’étranger, pourrait apporter son expertise technique en matière d’élaboration des politiques publiques pour accompagner la réforme de l’administration publique congolaise.