S’il y a un Vodoun plus craint que tous les autres au Bénin, c’est bien « Kinninsi ». Émanation de « Minon-nan », l’Énergie matricielle, la symbolique Vodoun de la Déesse de Création, « Kinninsi » est une entité puissante. Masculinisée, c’est une « Minon-nan » dont la puissance d’intervention est comparable à celle d’une fauve. D’ailleurs, son nom le démontre clairement: « Kinni’n », lion ; « Si », femelle, femme. C’est donc la lionne des « Minon-nan ».
Et à en croire la description qu’en font les sages, c’est une véritable bête enragée dont la mission première est d’assurer protection et bien-être aux siens.
- Kinninsi, divinité redoutée et mal invoquée au Bénin
Autrefois bien gardée et presque inconnue du grand public, « Kinninsi » est rendue célèbre par les « Gaïmen », « arnaqueurs du web » au Bénin. Et ce du fait de la cupidité maladive de certains dignitaires qui tronquent leur sagesse et leur intégrité contre quelques billets de banque, sales de surcroît. En effet, ces « Gaïmen », à la recherche de formules mystiques pour contraindre leurs victimes à tomber dans leurs filets, se rendent aux abords des couvents Vodoun. Si la majorité des dignitaires restent imperturbables face aux juteuses contreparties que proposent souvent ces « Gaïmen », quelques uns d’entre eux se laissent corrompre. C’est ainsi que cette divinité a été attribuée à des personnes sans foi ni loi et sans aucune notion de base en matière de Vodoun. La note est salée, à la hauteur de la psychose que cette légèreté a engendrée au sein des populations. Pour les non-initiés, plus nombreux par exemple, « Kinninsi » serait une entité maléfique, buveuse de sang humain.
Pourtant, les patrons du Vodoun béninois restent tous unanimes sur le fait que c’est une divinité protectrice et bienfaisante. À Porto-Novo, capitale administrative du Bénin, Bénoît Kpakoun, prêtre Fâ nous a confié à un confrère : « le vrai Kinninsi ne boit pas du sang humain. C’est une arme de guerre qui combat la sorcellerie et la magie noire ». À Abomey-Calavi, près de Cotonou, un autre dignitaire, prêtre de Kinninsi déclare ceci : « Mon Kinninsi est vieux de soixante-et-dix ans. Je l’ai hérité de mon père défunt et je ne lui donne que de la volaille, du mouton et des beignets de haricot accompagnés d’huile rouge en offrande ».
« Kinninsi » est en fait comme un fusil. Sans mains pour l’actionner, ça reste juste une arme. Dans les mains d’une bonne personne, c’est une bonne divinité. Dans de mauvaises mains, un carnage s’en suit. Selon Septime Aza, c’est une arme à manier avec la plus grande habileté et attention. « Quand lui demande de te ramener une cuisse de boeuf alors que c’est à du poulet que tu as droit, attends-toi à ce qu’il te réclame en contrepartie, une offrande hors de portée ».
Incomprise et tristement célèbre, « Kinninsi » est en réalité une grande divinité, protectrice et qui regroupe en son sein plusieurs autres divinités, les unes plus virulantes que les autres et dont l’une des plus connues est « Gbadou ».
Il n’y a pas d’entités mauvaises en vrai. Le mal n’existe que dans le coeur des humains qui les invoquent mal à propos.