Le président Camerounais, Paul Biya, sera en visite officielle en France du 21 au 25 juillet 2009. Ceux qui suivent l’actualité de ce pays de l’Afrique Centrale à travers des sites spécialisés ont remarqué une effervescence particulière. Partisans et opposants du gouvernement se préparent à des démonstrations de force dans tous les lieux de passage du chef de l’Etat.
Par Thierry Téné [[Thierry Téné est camerounais, Président d’Alternoss (Alternatives nord-sud/sud)]]
Alors que la crise économique frappe durement des milliers de camerounais qui ont du mal à boucler les fins de mois et à nourrir leurs familles, il est quand même regrettable de constater qu’au lieu de se mobiliser pour contribuer à l’essor du pays, des membres de la diaspora trouve plus intéressant de s’affronter à coup de slogans pro et anti gouvernement. On me répondra sûrement que c’est aux autorités en place d’œuvrer dans ce sens. Ce qui n’est pas faux car c’est aux politiques de mener les réformes sociales et économiques nécessaires au développement du pays. Justement parmi tous ces manifestants de la diaspora combien sont capables parmi les défenseurs du gouvernement en place de présenter et d’expliquer les initiatives prises par l’Etat pour résorber les conséquences de la crise mondiale sur l’économie du pays. Combien parmi ceux de l’opposition sont capables de procéder à une analyse critique des mesures gouvernementales et de proposer des alternatives crédibles ? Quid de ces camerounais qui ne sont ni pour ni contre la majorité présidentielle mais qui souhaitent saluer les initiatives gouvernementales ou de l’opposition lorsqu’elles vont dans le bon sens et critiquer ou proposer le cas échéant ?
Même s’ils l’ignorent ou font semblant de ne pas en tenir compte ces manifestants pro et anti gouvernement contribuent à la dégradation de l’image de notre pays. Sont-ils d’ailleurs encore soucieux de cette image ? On me fera également observer qu’une partie de la classe politique camerounaise est responsable de la situation. Ce qui est vrai et le moment venu ils devront rendre compte à la nation comme c’est le cas dans d’autres pays d’Afrique. Par contre parmi ces militants acharnés de la diaspora combien ont fait des fausses déclarations notamment en se faisant passer pour des réfugiés politiques pour obtenir des « papiers » en Occident ? De tous ces militants de la diaspora, combien sont réellement camerounais ? En effet, qu’on soit pour ou contre et cela est du ressort de la responsabilité des députés et du gouvernement, le Cameroun fait partie des pays où sauf exception, la double nationalité n’est pas reconnue. Du 21 au 25 juillet, nul doute que parmi les opposants et les militants pro gouvernement, beaucoup seront de nationalité étrangère.
Auprès des autorités de certains pays, il suffit d’évoquer votre nationalité camerounaise pour faire l’objet de toutes les suspicions. Les politiques sont-ils responsables de cette situation ou c’est une partie de cette diaspora qui dans la recherche de la « facilité » se livre à des pratiques peu recommandables ? A qui cette diaspora dont certains seront dans les deux camps entrain de manifester devra rentre compte ?
Qu’on ne partage pas les mêmes idées politiques, c’est tout à fait normal et c’est la démocratie. Cependant quel est vraiment l’intérêt de battre le pavé dans un pays étranger pour manifester des opinions politiques ? Ne pouvons-nous pas appliquer ce principe qui veut qu’on ne débatte pas des questions de politique intérieur à l’extérieur du pays ? Si les médias occidentaux couvrent ces affrontements, nous serons les premiers à regretter la mise en valeur constante d’une image négative de l’Afrique.
Un contexte particulier
La visite du Chef de l’Etat intervient également dans un contexte particulier marqué par la publication par les ONG Françaises des rapports sur des biens supposés « mal acquis » par les responsables politiques africains. Qu’on soit pro ou anti gouvernement, on devrait être choqué pour plusieurs raisons. La première est cette tentation de néocolonialisme moralisateur. Des ONG dont les membres ne paient pas les impôts en Afrique, se croient mandater pour mener des missions au nom des Africains. Cela ne vous rappelle rien ? On est surpris que les Africains apprécient ce genre de pratique. En effet, quel est notre dignité lorsque ce sont les étrangers qui sermoment nos dirigeants ? Sommes-nous incapables de demander les comptes à nos politiques ?
La deuxième raison c’est le manque de réciprocité. Quelle ONG africaine peut mener de telles enquêtes sur les politiques occidentaux ? Il est toujours beaucoup plus facile de taper sur les responsables africains mais la démarche n’est pas réciproque pour les autres décideurs de ce monde. Du sommet de l’Etat à la gestion des entreprises (publiques et privées) et des collectivités territoriales en passant par le financement des partis politiques et des syndicats, rien qu’en France, il y a de quoi passer toute sa vie à faire des enquêtes. Les découvertes seraient aussi fracassantes que surprenantes. Pourquoi ces ONG françaises ne franchissent pas le pas ? On peut également s’interroger sur les conditions d’accès à des informations (compte bancaire personnel, adresses des logements, etc.) dont la confidentialité devait être assurée.
La troisième raison est la volonté permanente de diaboliser l’Afrique. La crise actuellement a permis de mettre en exergue les pratiques de corruption dans les institutions, les Etats et les cabinets d’audit les plus prestigieux, dont le montant est largement supérieur au PIB de certains pays africains. Nul doute que lors de la publication de la liste des Etats les plus corrompus, nos pays tiendront encore la vedette. Certains ONG occidentales se sont spécialisées dans le business de l’humanitaire et joue sans cesse sur l’image d’une Afrique pauvre et corrompu pour se faire la publicité.
Il ne s’agit pas de dédouaner les auteurs d’actes malveillants commis dans le cadre de leurs missions. Il est nécessaire d’affirmer clairement que le rappel à l’ordre, les enquêtes et les sanctions le cas échéant relève de la responsabilité des citoyens du pays concerné. Pour revenir au rapport sur les biens « mal acquis » des responsables politiques camerounais, ce n’est pas à une organisation religieuse française de nous donner des leçons. Il faudrait peut être qu’elle commence par rembourser tous les biens « mal acquis » par les missionnaires occidentaux et à enquêter sur les biens des leaders politiques de l’Hexagone. Les responsables politiques camerounais qui ont pillé le pays rendront compte de leur acte. Il serait illusoire de penser qu’on peut se servir dans les caisses de l’Etat ad vitam æternam et s’en tirer aussi facilement. Il arrivera bien un moment où le peuple camerounais sanctionnera de telles pratiques. Mais le débat aussi passionnant soit-il doit être mené au Cameroun et non pas sur le pavé parisien ou dans les médias occidentaux.
Membres de la diaspora pro et anti gouvernement, si la politique vous passionne vraiment et vous envisagez un engagement dans ce sens pour changer notre pays, il faut être sur place pour agir. Si pour d’autres raisons vous devez rester à l’étranger mais êtes sensibles à l’essor social et économique du pays, n’est-il pas plus raisonnable de réfléchir aux actions à mener ? De la crise économique au changement climatique en passant par les défis énergétiques et alimentaires le monde en général et l’Afrique en particulier est confronté à des défis considérables. Loin d’être une fatalité, chacun à son niveau peut faire quelque chose pour améliorer la situation. Il n’y a jamais de petite initiative pour son pays et les camerounais sont réputés travailleurs. Il est peut être urgent de se concentrer sur l’essentiel et d’agir pour ces milliers de camerounais qui ont besoin de notre énergie. L’avenir du pays en dépend.