Samedi le 2/12/2023 à 12h34, j’ai reçu un triste message par WhatsApp qui m’informait que le renommé Faustin Twagiramungu venait de mourir. Mon informateur, qui a été parmi les tout premiers alertés, sait que je n’avais aucun lien avec le trépassé. De toute manière, cela importe peu ! Le décès de cet homme est un grand événement dans le contexte politique rwandais de cette dernière trentaine d’années, qu’on s’y intéresse ou pas !
Très connu sous le nom de « Rukokoma », Faustin Twagiramungu est le créateur et théoricien de ce concept, désignant à peu près « le dialogue national inclusif et déterminant ». Il a popularisé ce concept à partir des années 1991, après avoir cofondé le mouvement démocratique républicain en 1991 (MDR). Parti dont il a pris la direction en 1992. Il a été partisan d’une alliance avec le Front patriotique rwandais (FPR) pour mettre fin au pouvoir politique de l’époque.
Il a été Premier ministre d’un gouvernement qui se nommait (selon les accords d’Arusha) de « transition à base élargie », de juillet 1994 à sa démission en août 1995. Par la suite, il a pris le chemin de l’exil en Belgique et a fait son retour au Rwanda pour se présenter à l’élection présidentielle du 25 août 2003, en qualité de candidat indépendant. Il a perdu cette élection qui a été qualifiée d’irrégulière par les organismes internationaux. A nouveau, il est reparti en Belgique où il continuait son combat pour un meilleur futur du Rwanda.
En 2013, Faustin Twagiramungu souhaite retourner au Rwanda, après avoir créé son nouveau parti RDI (Rwandan Dream Initiative), mais le pouvoir de Kigali a pesé de tout son poids pour lui barrer définitivement l’entrée au pays des mille collines.
Son combat pour la réconciliation entre les Hutus et les Tutsis
Faustin Twagiramungu était un homme très doué tant en politique qu’en histoire rwandaise. C’est très passionnant de l’écouter s’exprimer, les médias interposés, sur les questions identitaires rwandaises. A plusieurs reprises, il a souligné, avec des éléments de son expérience du Rwanda ancien, les mutations individuelles et collectives qui s’opéraient d’une classe à une autre, en fonction de l’évolution de la situation économique.
Il a pointé des inégalités récurrentes entre les hutus et les tutsis, alimentées et entretenues par les régimes politiques qui cherchent à diviser pour mieux régner.
Le charisme réconciliateur de ce politicien rwandais n’a pas échappé aux observateurs et journalistes étrangers. A titre d’exemple, Pierre Smith journaliste de Libération, lui a consacré un portrait paru le 30/05/1995, sous le titre « Twagiramungu, martyr de la réconciliation, Le Premier ministre démissionnaire prônait l’unité entre Hutus et Tutsis ». Les mots parlent tout seuls !
Les détracteurs de Monsieur Faustin Twagiramungu lui reprochent son rapprochement au FPR et tout ce qui s’en est suivi. Dans son projet d’unification des Rwandais, il s’est peut-être trompé sur le profil partenarial, dont il a été victime par ailleurs. Mais cela ne devrait certainement pas constituer un péché originel.
Monsieur Twagiramungu est né à Cyangugu en 1945 et décède après avoir transmis aux Rwandais un grand héritage politique. Mais aussi un franc-parler qui débusque le mensonge pour mieux bâtir le Rwanda du futur sur les valeurs de vérité, de justice et de réconciliation.
Requiescat in pace (RIP)