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Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) a dévoilé le 28 février 2025 les lauréats de ses prix spéciaux. Parmi les distinctions marquantes de cette 29e édition, le Prix Sankara de la critique a été attribué au film « Fanon » du réalisateur algérien Abdennour Zahzah. Ce documentaire retrace une période charnière de la vie de Frantz Fanon, intellectuel et militant anticolonialiste, lorsqu’il exerçait à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville entre 1953 et 1956.
Un prix chargé de symboles
Cette reconnaissance du film Fanon résonne dans l’histoire africaine contemporaine, où la figure de Frantz Fanon dialogue avec celle de Thomas Sankara, révolutionnaire burkinabé assassiné en 1987.
L’un, médecin et penseur engagé, a théorisé la libération des peuples sous domination coloniale à travers ses œuvres majeures comme « Peau noire, masques blancs » (1952) et « Les Damnés de la Terre » (1961). L’autre, chef d’État visionnaire, a incarné dans les années 1980 un idéal panafricain d’émancipation politique et économique.
L’attribution d’un prix portant le nom de Sankara à un film consacré à Fanon ne peut qu’interpeller. Ce croisement de figures illustre un héritage de lutte, qui trouve un écho particulier dans un continent en quête de souveraineté et de réaffirmation de ses identités.
Chroniques d’une révolte en gestation
Le film d’Abdennour Zahzah s’intéresse à une période déterminante de la vie de Fanon, alors qu’il dirigeait la 5e division de l’hôpital de Blida-Joinville. C’est dans ce contexte qu’il approfondit son analyse des liens entre oppression coloniale et pathologies psychiatriques.
Confronté aux méthodes brutales de l’administration coloniale, il choisira en 1956 de rompre avec la France en adressant une lettre fracassante de démission aux autorités françaises. Ce geste marquera son entrée officielle dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et son engagement au sein du FLN.
Zahzah, connu pour son travail documentaire rigoureux, propose ici une relecture saisissante de cette trajectoire, à travers des archives inédites, des témoignages et une mise en scène immersive. Son film est un regard lucide sur l’impact des guerres coloniales sur les individus et un hommage à l’humanisme radical de Fanon.
Un cinéma engagé toujours d’actualité
Avec ce Prix Sankara de la critique, le FESPACO 2025 met une nouvelle fois en avant un cinéma africain engagé, qui interroge les mémoires et éclaire les luttes d’hier pour mieux comprendre celles d’aujourd’hui.
L’œuvre de Fanon continue d’inspirer les intellectuels et les militants à travers le monde, tout comme l’héritage de Sankara demeure une référence incontournable pour ceux qui refusent que l’Afrique plie sous les logiques néocoloniales.