Fadila Mehal a décidé de prendre part aux élections municipales dans le 4ème arrondissement de Paris. Tête de liste du MoDem, elle devra faire face à une vive opposition. Celle, en premier lieu, de la maire socialiste sortante Dominique Bertinotti et du candidat UMP Vincent Roger. Un nouveau défi qui enthousiasme Fadila Mehal et prolonge le combat qu’elle mène au sein de l’association qu’elle préside : Les Marianne de la diversité, dont l’objectif majeur est d’accroitre la participation des femmes issues de l’immigration dans la vie politique française. Elle a accordé un entretien à Afrik.com.
Membre du Conseil économique et social, directrice pour la culture à l’ACSE, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, et présidente de l’association Les Marianne de la diversité, Fadila Mehal est née en 1954, à Cherchell en Algérie, et est arrivée en France à l’âge de 4 ans. Dans son pays d’origine, où elle est retournée étudier le journalisme et travailler pendant quatre ans à la RTA, la radio-télévision algérienne, elle s’est découvert une passion pour le militantisme social et politique. Un engagement qu’elle a décidé de concrétiser en France en se livrant corps et âmes à l’action citoyenne et au combat politique. En juin dernier, elle représentait le MoDem dans la 19ème circonscription de Paris (quartiers de la Goutte d’or, Chapelle et Villette). Et depuis le mois de janvier, elle est la tête de liste du parti dans le 4ème arrondissement de Paris, où elle n’est pas encore parfaitement enracinée, mais où elle entend bien convaincre les électeurs par ses idées et son énergie débordante.
Afrik.com : Mme Fadila Mehal, pourquoi avez-vous décidé de vous engager dans la bataille des municipales?
Fadila Mehal : C’est un parcours naturel. Après avoir été candidate aux législatives de juin 2007, il était normal de prolonger mon engagement aux élections municipales qui sont de mon point de vue les plus belles, car les plus proches des citoyens, celles qui façonnent de façon la plus aboutie et durable la vie concrète des habitants.
Afrik.com : De nombreux élus du MoDem, ex UDF, ont quitté le parti présidé par François Bayrou après sa défaite au premier tour des Présidentielles et les élections législatives. Ces derniers jours, plusieurs candidats du Modem aux municipales se sont ralliés au PS et à l’UMP. Pourquoi restez-vous fidèle à ce parti et vous présentez-vous sous ses couleurs?
Fadila Mehal : Vous savez, François Bayrou représente pour beaucoup de Français l’éthique et le courage qui manquent tant à la politique. Il a su malgré les pressions et les combinazione des partis, rester fidèle à sa morale personnelle et politique. Les Français lui font confiance et les derniers sondages l’attestent amplement. Pour beaucoup, il est un repère dans un monde politique où la confusion et les désillusions règnent sans partage.
Il m’a fait confiance, tout comme Marielle de Sarnez qui a souhaité que je conduise la liste du mouvement démocrate dans le 4éme arrondissement de Paris. C’est un challenge qui ne se refuse pas, par conviction et par fidélité.
Afrik.com : Il n’est pas aisé pour les personnes issues de l’immigration ni pour les femmes de s’imposer en politique en France. Or vous êtes tête de liste de votre parti. Avez-vous dû jouer des coudes ou est-ce le signe d’une volonté de rupture du Modem?
Fadila Mehal : En tant que présidente-fondatrice de l’association Les Marianne de la diversité je m’étais alarmée de la situation de notre représentation nationale. Nous avions même organisé à l’Assemblée nationale (tout un symbole) un colloque le 6 octobre dernier pour tirer le bilan des dernières législatives. Le bilan n’était pas très positif. Bien que 107 femmes soient rentrées à l’assemblée, passant de 12,3% à 18, 54% des élus, on est encore loin du compte quand notre performance consiste à passer du 86ème au 58ème rang mondial. Pour le MoDem les choses se sont faîtes naturellement. Marielle de Sarnez a fait le choix de s’entourer pour les municipales de 12 femmes sur les 20 candidats de Paris. Pour la parité notre parti est exemplaire et il le prouve.
Afrik.com : Vous êtes connue pour vos engagements contre les discriminations et pour l’égalité des chances des personnes issues de l’immigration, et vous vous présentez dans le 4ème arrondissement de Paris qui, à la différence du 18ème, du 19ème et du 20ème, ne compte pas d’importantes populations d’origine étrangère ? Pourquoi ce choix?
Fadila Mehal : C’est une question qu’on m’a beaucoup posée, à mon grand étonnement. Vous savez, quand j’ai été candidate dans la 19ème circonscription de Paris, certains se sont inquiétés de cette « assignation identitaire », faisant remarquer, à juste titre, que beaucoup de candidats issus de la diversité se présentaient dans des territoires conformes à leur électorat « supposé ». Aujourd’hui, alors que je me présente dans le 4éme, les mêmes s’étonnent que ne je sois pas conforme au casting du 4ème. En vérité, ces personnes se trompent, ce qui fait la légitimité d’un élu de notre République, ce n’est pas d’être jaune, blanc ou noir, c’est d’abord de porter les aspirations des citoyens. Ce n’est pas une affaire de couleur de peau. C’est à ne rien comprendre à notre histoire et à nos traditions que de dire cela. La grandeur de la France a été, de tous temps, de transcender les particularismes pour atteindre l’intérêt général. Je crois que j’ai une chance formidable, en me présentant dans le 4ème, de faire bouger les lignes et de démontrer qu’il n’y a pas de territoires interdits aux républicains, ni de citadelles imprenables quand on rencontre le peuple. Vous le savez, le 4éme est le cœur de Paris (c’est là où se trouve l’Hôtel de ville). C’est le cœur de son histoire et de sa mémoire, et c’est un beau symbole pour y présenter la diversité, car la diversité c’est le 4éme et c’est l’avenir de la France.
Afrik.com : Quels sont les grands axes de votre programme?
Fadila Mehal : J’ai cinq grands axes pour mon programme. D’abord, promouvoir une nouvelle gouvernance avec des référendums d’initiative locale sur des projets avec une plus grande transparence de l’action municipale et une plus grande accessibilité des élus, donner plus de moyens et de budget aux conseils de quartiers. Ensuite, concernant le logement : je veux garantir 50% de logements locatifs à loyers intermédiaires dans toutes les opérations immobilières à venir pour lutter contre l’explosion des prix de l’immobilier dans l’arrondissement, et construire plus de logements étudiants. D’autre part, j’entends activer tous les leviers mis à la disposition de la mairie d’arrondissement pour maintenir et développer les commerces de proximité. Sur la circulation, je veux chercher une plus grande harmonie entre les modes de transport (voiture, bus, taxis, piétons, vélos) dans le respect d’une activité commerciale dynamique, et rendre semi-piétonnières certaines rues pendant le week-end. Enfin, je souhaite faire de la caserne Napoléon (5300 m2) qui sera libre en 2009, un espace unique ouvert dans le cœur de Paris. Un espace qui allie habitat écologique (logements intermédiaires et étudiants) et activité culturelle (salle de spectacles, box musicaux, résidences d’artistes).
Afrik.com : Le Modem est en train de mettre en place un observatoire des discriminations. Pourquoi prend-t-il cette initiative et quel rôle y jouerez-vous?
Fadila Mehal : Marielle de Sarnez propose dans le cadre de son programme pour Paris, la mise en place d’un observatoire de lutte contre les discriminations, de toutes les discriminations. Il y en a 18 répertoriées par la Halde. En lien avec celle-ci, nous proposons que cette nouvelle instance joue un rôle de veille, de diagnostic et surtout soutienne les bonnes pratiques des partenaires sociaux et de la société civile.
Il est important que Paris, ville capitale donne l’exemple, dans ses services, dans ses relations aux entreprises, au monde associatif et impulse un cercle plus vertueux.
Lyon l’a fait de façon remarquable, elle nous a montré le chemin, faisons de même.
Pour ma part, si je suis élue, je m’engagerai résolument dans ce chantier car à l’heure où on va célébrer le centenaire de la ligue des droits de l’homme, il n’est pas admissible que des citoyens à part entière, soient écartés du champ social et économique, à cause de leur orientation sexuelle ou de leur couleur de peau.
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