Jusqu’où un ministre peut-il critiquer la politique de son gouvernement sans se mettre hors-jeu ? La secrétaire d’Etat française à la Politique de la ville, Fadela Amara, a jugé mardi « dégueulasse » la loi sur les tests ADN mais pas assez « insupportable » pour démissionner. Ce qui fait du gouvernement un espace de discussion et plus de décision, estime le politologue Dominique Reynié.
« En tant que fille d’immigrés, j’en ai marre qu’on instrumentalise à chaque fois l’immigration (…) Je trouve ça dégueulasse ! ». Le ciel est tombé sur la tête de Fadela Amara depuis qu’elle a vigoureusement critiqué la loi sur les tests ADN, mardi, sur la radio France Inter. « Très franchement, avait-elle ajouté, le jour où ce sera vraiment insupportable, eh bien je partirai. »
Si le caractère « dégueulasse » de la loi critiquée par la secrétaire d’Etat à la Politique de la ville ne lui paraît pas assez « insupportable » pour quitter le gouvernement, de nombreuses personnalités ont trouvé ses propos assez graves pour qu’elle face ses valises. Parmi eux, des membres du camp socialiste, dont est issue la présidente de l’association «Ni putes ni soumises», comme de l’UMP, dont elle a rejoint le gouvernement avec trois autres personnalités de gauche qui ont eux aussi critiqué le texte de loi.
Le fait est que Fadela Amara aurait pu déceler depuis longtemps les signes d’une instrumentalisation de l’immigration par l’équipe qu’elle a rallié. N’est-ce pas le chef de l’Etat qui a déclaré durant la campagne présidentielle que lorsque « on habite en France (…) on n’est pas polygame, on ne pratique pas l’excision sur ses filles [et] on n’égorge pas le mouton dans son appartement » ?
« Sarkozy gouverne et le gouvernement est parlementarisé »
Du coup, estime André Vallini, porte-parole des députés PS, même si « les propos de Fadela Amara sont justifiés (…), elle ferait preuve de cohérence en démissionnant du gouvernement ». De la même façon, le député UMP du Morbihan François Goulard s’étonne que la secrétaire d’Etat garde son portefeuille, même s’il lui donne raison « sur le fond ». Quant au président de l’UMP, Patrick Devedjian, il sait de quoi il parle – il avait qualifié l’ex députée Anne-Marie Comparini de « salope » – lorsqu’il explique que « ce n’est pas bien d’injurier les députés de la majorité, c’est-à-dire ceux qui soutiennent le gouvernement ».
Le Premier ministre François Fillon a renouvelé mercredi sa confiance à Fadela Amara, qu’il a reçue, alors que Nicolas Sarkozy avait appelé à l’apaisement, la veille, depuis Moscou. Et ce mercredi, c’est Laurent Wauquiez, le porte-parole du gouvernement, qui est venu au secours de sa collègue à travers une pirouette dont seuls les communicants ont le secret. Il a jugé sur RTL que Fadela Amara, qui « n’a pas les codes de la langue de bois politique (…), a contribué à secouer un peu les choses » et que « cela apporte de l’oxygène ». Néanmoins, a-t-il ajouté, « un gouvernement se nourrit des débats internes » et « il faut trouver un point d’équilibre entre efficacité et débat ».
C’est justement cet équilibre qui a été rompu, selon le politologue Dominique Reynié, interrogé par Libération.fr. « Je me demandais à quoi servait le gouvernement puisque c’est l’Elysée qui gouverne. Désormais, c’est clair, explique-t-il sur le site du quotidien français : Sarkozy gouverne et le gouvernement est parlementarisé, transformé en petite assemblée chargée de mettre en scène le débat national. » Et les ministres d’ouverture, ils ventilent les travées de l’Assemblée après le vote de lois sur l’immigration ?
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