Les armes ne se sont toujours pas tues en RDC. Les chefs des armées alliées de Kinshasa pour le compte de la SADC viennent de boucler leur évaluation opérationnelle de la guerre à Goma et la diplomatie s’imprime de manière souterraine, loin des débats politiques. Felix Tshisekedi vient de séjourner à Bruxelles où il a multiplié des contacts diplomatiques pendant qu’à Nairobi et Luanda des préparatifs des pourparlers de paix se murmurent. Pendant ce temps, Corneille Nangaa et ses camarades ont mis pied dans les deux provinces du Kivu. Sur le terrain, Tshisekedi est en perte de vitesse alors qu’au plan diplomatique, le gouvernement congolais n’a pas réussi à obtenir de sérieuses condamnations souhaitées contre le Rwanda.
Un silence entoure virtuellement la situation des combats sur le terrain des opérations militaires au Nord-Kivu. Ce lundi 4 mars, des affrontements intenses étaient engagés entre l’Alliance Fleuve Congo (AFC) et la coalition gouvernementale simultanément sur différents axes : Mabenga-Rwindi dans les groupements Busendo, Kishishe-Kibirizi précisément à Kirima et Katsiru-Kikuku précisément à Nyanzale dans le territoire de Rutshuru, axe qui donne vers Lubero et Beni. La dernière sortie médiatique d’adhésion de l’ancien député du Mouvement de Libération du Congo (MLC) Jean-Jacques Mamba à l’Alliance Fleuve Congo (Afc) de Corneille Nangaa a soulevé des vagues et perturbé le plan diplomatique de Felix Tshisekedi. Kinshasa s’est vu obligée de réactiver l’axe Bruxelles considérée comme la capitale de l’Europe d’où sont partis les derniers accords (Mémorandum d’Entente) sur les matières premières critiques avec le Rwanda il y a quelques semaines. Ce mémorandum qui fâche Kinshasa était pourtant un acte de coopération au même titre que celui conclu avec la République Démocratique du Congo en octobre 2023. Félix Tshisekedi s’est obligé un voyage de dernière minute sur Bruxelles pour y rencontrer les autorités politiques ainsi que le roi des belges.
Des indiscrétions à Kinshasa indiquent que le président congolais négocierait un possible black-out politique et médiatique contre tout dirigeant rebelle proche de Corneille Nangaa dont Kinshasa redoute la percée internationale en Europe et sur d’autres continents. « Les sorties médiatiques de Corneille Nangaa ont toujours gêné le régime, surtout lorsqu’il critique la gouvernance de Tshisekedi. Il s’y ajoute maintenant la forte capacité de communication de Jean-Jacques Mamba depuis Bruxelles. Les autorités de Kinshasa ont du mal à s’en remettre et même à reprendre le dessus dans l’opinion internationale », a commenté un éditeur d’un journal indépendant depuis Kinshasa.
Kinshasa, diplomatiquement perdant
L’Union Européenne a réitéré sa position sur la crise congolaise affirmant « condamner les discours de haine et de xénophobie, qui rappellent les pires pages de l’histoire de la région ». Pour le continent, « il n’y a pas de solution militaire à cette crise : seul un dialogue politique inclusif peut s’attaquer à ses causes profondes ». Une position reprise immédiatement par Bertrand Bisimwa, la deuxième personnalité politique de l’Alliance Fleuve Congo sur tweeter. Reçu le mercredi 28 février par le Premier ministre Belge Alexandre Decroo, Felix Tshisekedi n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude tout en félicitant très politiquement la position du Royaume de Belgique. « Je salue la position de la Belgique qui remet en question cet accord. Nous pensons que cette position est très judicieuse. Elle va dans le sens d’une vérification de la traçabilité et de la provenance de ces minerais », a-t-il déclaré.
Pour sa part, Adam Chalwe Munkutu, responsable de la mobilisation, formation et implantation de l’Afc s’est montré très critique à l’égard de Tshisekedi le traitant de pleurnichard qui ne se gêne pas d’embêter les partenaires autour d’une question de gouvernance interne de son pays. « Le chantage diplomatique du ‘Pleurnichard’ en séjour en Belgique ne découragera pas les milliers d’adhérents qui se bousculent au portillon de l’Alliance Fleuve Congo (AFC). Tantôt il convoque des diplomates (Algérien et européens) pour se justifier des relations d’État à État avec le Rwanda ; tantôt il envoie sa meute de casseurs violer les sites de représentation diplomatique des États-Unis, de la Belgique, de l’Allemagne, de la France et des Nations-Unies à Kinshasa ; tantôt il fait insulter les occidentaux par ses propres badauds ; tantôt il fait chanter certains partenaires en faveur des autres… », a-t-il tweeté dernièrement.
Et d’ajouter : « Le ‘Marechal Escarmouche’ a perdu la boule. Il n’a plus de boussole. Tout lui échappe et tout le monde découvre enfin ses impotences ». Le mardi 27 février, le président congolais s’est entretenu pendant plus de trois heures avec son hôte angolais. Aucun des deux hommes ne s’est exprimé à l’issue de leur tête-à-tête. Juste un bref commentaire de Tete António, le ministre angolais des Affaires étrangères, qui affirmait que Félix Tshisekedi avait accepté le principe d’une rencontre avec Paul Kagame. Le chef de la diplomatie angolaise a précisé, sans plus de détails, que son pays « travaillerait à préparer les autres étapes afin de rendre cette rencontre possible ».
Monusco, Sadc et Burundais embourbés
Dans un communiqué rendu public, l’Afc a annoncé avoir intercepté des mouvements de transport des blessés dans les rangs des Forces Armées de la RDC par les hélicoptères de la Monusco. « L’évacuation vers la Ville de Bukavu par les hélicoptères de la Monusco des blessés FDLR et FARDC est la preuve que cette mission onusienne a bel et bien conscience de la présence des FDLR dans le camp auquel elle apporte son soutien militaire en troupes et en logistique », a dénoncé Lawrence Kanyuka, Point-focal communication de l’Alliance. L’AFC demande à la MONUSCO : « de cesser tout soutien à ladite coalition ; de se démarquer de cette belligérance affichée et de soutenir le Peuple Congolais conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU ».
Il affirmait nettement que la mission onusienne s’était chargée de l’évacuation des blessés FARDC et FDLR depuis le mardi 27/02/2024 à Numbi/Kalehe par hélicoptère, au vu au su de tous les observateurs. Et de préciser : « Les premières évacuations des blessés ont débuté le mardi à 10h00 à destination de Bukavu », a-t-il rapporté dans son communiqué. Kanyuka note que le transfèrement des blessés FARDC et FDLR vers les centres médicaux de Bukavu a concerné 44 blessés FARDC et FDLR dont 31 ont été héliportés par la Monusco vers Bukavu ; 53 blessés graves FARDC et FDLR évacués par voie maritime de Minova vers Bukavu. Ces faits attestent l’intensité des combats dans la zone entre les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sur l’axe Goma-Bukavu.
Des sources proches de l’Afc affirment que l’armée burundaise aurait subi d’énormes pertes sur le champ de bataille ces derniers jours, sans en donner plus de détails. Pendant ce temps à Bujumbura (Burundi), des dizaines de soldats burundais ont été détenus pour avoir refusé leur déploiement dans l’est du Congo. Depuis quelques semaines, la coalition gouvernementale est en perte de vitesse après avoir perdu les trois drones d’origine chinoise acquis l’année dernière. Jeudi 29 février, les chefs d’état-major des armées Tanzanienne et Malawite sont arrivés à Goma, pour visiter les troupes et évaluer l’Operation conjointe avec les officiels congolais, ce après la rencontre de Windhoek le 25 février entre les chefs d’État des pays engagés dans la guerre aux côtés de Felix Tshisekedi.