Plus que toutes les prises de conscience arabes, la fermeté du commissaire européen, Chris Patten, aura contribué à accélérer le processus d’intégration des pays arabes dans une zone de libre échange. Décryptage.
Question : mais qu’est ce qui dope la collaboration panarabe ? Réponse : le rapport de force avec l’Union Européenne. De prime abord, ces avancées significatives vers une intégration euro-méditerranéenne semblent surprenantes au vu de l’échec de la Conférence de Marseille, réunissant chacun des partenaires en novembre dernier. Echec que nombre des participants ont mis opportunément sur le compte de la crise israélo-palestinienne. Si les affrontements entre Arabes et Israéliens ont largement occulté les discussions, le dossier principal relatif au projet de collaboration MEDA II (programme de soutien aux réformes structurelles de la rive Sud) paraissait bloqué pour d’autres motifs.
Dur comme une baguette de gouverneur
En annonçant un programme de 5, 35 milliards d’euros, les Européens faisaient un effort important, sans toutefois convaincre leurs partenaires, échaudés par un précédent programme de même type qui n’avait vu que 26% des fonds débloqués en raison des conditions draconiennes imposées par Bruxelles.
Afin de relancer ce partenariat, la Commission adoptait – imposait ? – un plan Euromed, proposé par le commissaire européen Chris Patten. Rigide et contraignant, ce plan concocté par l’ancien gouverneur de Hong-Kong n’ a pas manqué de froisser les délégués arabes de par l’arrogance froide de son état d’esprit et des « pressions positives » pour en faire accepter modalités et conditions. « S’il n’y a pas d’accord, les fonds reviennent au budget général. Autrement dit : c’est perdu », commentait le staff de Chris Patten, précisant au sujet du délai de quatre ans entre la signature et l’approbation par les Quinze : « Ça c’est fini ». En clair, c’est à prendre ou à laisser.
La fermeté fort peu diplomatique du commissaire britannique était confirmée par la création d’un nouvel organisme, « Europe-aid » créé au début de l’année. Doté de moyens humains considérables : deux cent quarante-quatre personnes et cent quarante-cinq délégués dans les pays bénéficiaires, afin de déconcentrer les aides et de bénéficier « de connaissances meilleures que les nôtres, d’experts locaux ». Qui dit mécanismes d’expertise dit aussi, mécanismes de contrôle.
Comme peu -pour ne pas dire, pas un seul – de pays arabes souhaitent sortir du partenariat de Barcelone, il est devenu évident à nombre de capitales, que seul un dialogue d’égal à égal avec Bruxelles pourrait leur permettre de ne pas se voir imposer les modalités de coopération. Quelques semaines après le « clash » de l’échec des accords sur la pêche entre le Maroc et l’UE, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, M. Mohamed Benaissa a cru bon de préciser, mardi à Agadir, que l’instauration d’une zone de libre échange entre les pays arabes méditerranéens, réunis au Maroc, est conçue sur la base « du partenariat et de la coopération et non pas sur la confrontation avec l’Union Européenne ». Précision de taille. Mais qui en dit long sur l’esprit des capitales du Sud : l’union fait la force.
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