F comme Filles


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L’apprentissage : F comme Filles. Un livre sur Internet, sous forme d’abécédaire, pour dire en 100 mots comment la France adopte ses enfants de migrants. Véritable « Lettres persanes » du XXIe siècle, l’initiative de la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a séduit Afrik.com qui a décidé de vous offrir deux mots par semaine. A savourer, en attendant la parution du livre en février 2007.

De A comme Accent à Z comme Zut, en passant par H comme Hammam ou N comme nostalgie, 100 mots pour un livre : L’apprentissage ou « comment la France adopte ses enfants de migrants ». Une oeuvre que la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a choisi de publier d’abord sur Internet. Un abécédaire savoureux qu’Afrik a décidé de distiller en ligne, pour un grand rendez-vous hebdomadaire. Une autre manière d’appréhender la littérature…

F

FILLES

En gare d’Aix, deux jeunes filles montent dans le TGV, s’installent pas loin de moi et commencent à bavarder gaiement. C’est lorsque j’observe des jeunes filles françaises, ou européennes, en public, que la différence culturelle avec le monde arabe aujourd’hui m’apparaît le plus clairement.

Décontractées: voilà le mot qui me vient immédiatement à l’esprit. Naturelles. Osant, par le choix de leur tenue – sportive, raffinée, baroudeuse, etc… – affirmer déjà une personnalité. Libres d’être ce qu’elles ont choisi d’être, et que l’on perçoit aussi à travers le contenu de leurs conversations, où elles parlent de leurs projets, de leurs lectures, de leur bande de copains. Libres tout court, ce qu’elles expriment par leur rire, tant le rire est l’expression de la liberté.

Par opposition, dans un pays arabe, traditionnellement, lorsque deux jeunes filles sont ensemble dans un lieu public, leur comportement trahit souvent, s’il y a des hommes alentour, soit un désir de séduire, soit à l’opposé, de ne-surtout-pas-avoir-l’air-de-séduire, en affichant un air de sérieux – conversations basses, regards baissés, et pas de rires bien sûr. Le comportement d’une fille est donc conditionné par ce regard des hommes, c’est-à-dire par leur rôle sexué.

La forme extrême de cette volonté de paraître « sérieuse » en public se traduit aujourd’hui par le port du voile, anti-gaieté publique, anti-séduction par définition: le voile s’accompagne souvent d’un visage fermé, ce dernier devant même être logiquement la conséquence de celui-là . (Bien sûr, à l’intérieur d’une maison, deux cousines, deux copines, peuvent, en l’absence de mâles étrangers, être pleinement elles-mêmes, et rire aux éclats).

Dans les romans français du XVIII°, pareillement les jeunes filles devaient avoir l’air sérieuses et réservées, rougissant de timidité sous le regard des hommes ce qui était une qualité, et, bien sûr, ne pouvaient se balader aux Tuileries ou sur les boulevards à deux copines, s’amusant et riant fort comme les deux amies dans ce TGV.

La liberté des femmes commence d’abord par la liberté laissée aux jeunes filles. Et dans le monde arabe, l’affranchissement des femmes se lit d’abord dans ces jeunes filles qui, d’avoir fréquenté l’école ou la fac, qui leur ont offert des copines, commencent depuis quelques années à occuper l’espace public, à sortir entre filles, et parfois même à laisser éclater leurs rires, se fichant de séduire, ou d’être mal jugées.

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