Selon le ministère de l’Intérieur, 720 familles de sans-papiers seraient autorisées à rester en France à la fin de l’année scolaire et se verraient délivrer une carte de séjour. Mais la bonne action de mardi du ministre de l’Intérieur est à mettre en perspective de son projet de loi sur l’immigration qui passe devant le Sénat.
Par Louise Simondet
« C’est du bluff, il se moque de nous ! », ironise Antoine Chaffin, directeur de la Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI). L’annonce faite hier au Sénat par le ministre de l’Intérieur a suscité la polémique dans le camp des associations qui luttent aux côtés des familles en situation d’expulsion. Nicolas Sarkozy a souhaité donner du mou dans cet épineux dossier. Une tactique de plus dans sa stratégie de communication : « C’est un coup de pub », affirme SOS Racisme. Ainsi, les enfants sans-papiers scolarisés et leurs parents se verront attribuer une carte de séjour au cas par cas.
Des critères très sélectifs entreront en jeu. Comme l’énonce Nicolas Sarkozy, pour obtenir ses papiers « l’enfant étranger devra être né en France où y vivre depuis son plus jeune âge, être scolarisé en France et ne pas parler la langue de son pays d’origine ». Ce procédé ne touchera que 720 familles et ne s’apparente en aucun cas à « une régularisation massive ». Une démarche qui reste assez vague. « De plus, note la Fédération des conseils de parents d’élèves d’écoles publiques, cette loi établit une discrimination entre ceux qui auront la chance de remplir les conditions fixées et les autres. S’agirait-il d’une mise en œuvre du principe ‘diviser pour mieux régner’? »
Le bilinguisme comme outil de sélection
L’utilisation du bilinguisme sera une des solutions pour faire un choix entre les dossiers des enfants étrangers scolarisés en France. « Ce critère est typique de l’esprit du gouvernement et repose sur l’idée d’assimilation dont il a fait son cheval de bataille », énonce Antoine Chaffin de la FASTI. « Le tri se fera au cas par cas, note Solange Laurent, du Réseau éducation sans frontières (RESF). Ce sont des mesures arbitraires qui ne résoudront en aucun cas la situation et ne favoriseront pas une meilleure insertion de ces jeunes ». Des critères qui restent flous, des chiffres imprécis… Selon le recensement des préfets, 720 familles seraient concernées par les mesures d’exception annoncées par Nicolas Sarkozy, alors que les statistiques du ministère de l’Intérieur font état de 1000. Des approximations qui laissent ainsi de la marge aux préfets pour gérer ces dossiers de façon aléatoire.
Des mesures qui ne concernent « qu’une minorité d’enfant », note le directeur de la FASTI. Ce dispositif ne touche en effet que 2% des enfants en situation irrégulière, alors que des milliers d’enfants scolarisés et sans-papiers voient se pencher sur eux l’épée de Damoclès des expulsions estivales. « Ce n’est qu’une goutte d’eau », rajoute Solange Laurent de RESF. Selon les chiffres avancés par RESF, entre 10 000 et 50 000 jeunes accompagnés de leurs familles se retrouveront en situation d’expulsion à la fin de l’année scolaire. « Ce procédé est très révélateur de la politique actuelle de Nicolas Sarkozy, souligne Antoine Chaffin. Le ministre de l’Intérieur souhaite avant tout faire passer sa loi sur l’immigration. Son geste entre dans sa stratégie de communication. Il souhaite se montrer plus humain. Mais il n’en reste pas moins que ces critères sont totalement aberrants. Il va de soi que les enfants scolarisés parlent français. Et si maintenant parler deux langues est un handicap !… » De nombreuses interrogations subsistent. Comment le gouvernement sera-t-il en mesure de savoir si quelqu’un parle une autre langue ? Une sélection qui s’avère être tout à fait subjective.
De l’argent moyennant le retour au pays
De l’argent si tu pars… C’est la nouvelle initiative du ministre de l’Intérieur qui vient d’annoncer avoir ordonné aux préfets de proposer « systématiquement » une aide au retour volontaire aux familles au cours du mois de juin. Une somme qui s’élève à 3 500 euros pour un couple à laquelle se rajoute la modique somme de 1 000 euros par enfants. « Cette aide au retour volontaire a augmenté, note RESF. C’est une véritable incitation au retour. » Début juillet doit commencer ce que le Réseau éducation sans frontières qualifie de « chasse à l’enfant », note le journal Libération. « Une véritable publicité pour le retour au pays », indique Antoine Chaffin. Il semblerait que ces incitations à quitter la métropole soient monnaie courante dans les préfectures, ainsi que dans les tribunaux administratifs : « Ces institutions n’informent pas forcement les personnes que des recours peuvent être envisageables. Mais par contre une pression assez forte est exercée pour les contraindre à rentrer dans leur pays d’origine ».
En attendant, à partir du 30 juin, des milliers d’enfants seront sur la sellette. Et mardi, jour même où le Ministre de l’Intérieur annonçait qu’il ferait preuve de clémence, la police est intervenue dans une école maternelle de la Sarthe pour y soustraire deux enfants dont la mère était en situation irrégulière et les expulser immédiatement. « C’est une honte ! », s’insurge la Fédération des conseils des parents d’élèves d’écoles publiques (FCPE) qui se dit « scandalisée » par cette descente de la police. Face à ces expulsions, la mobilisation des associations ne faiblit pas. RESF a lancé fin avril la pétition « Nous les prenons sous notre protection », qui a recueilli plus de 40 000 signatures et, dimanche prochain, les associations se rassembleront pour une journée d’action nationale contre le projet de loi sur l’immigration…
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