La justice a reconnu vendredi dernier la « légitime défense » à un ressortissant malien qui s’était défendu contre un policier, le 26 mai 2007, lors de sa reconduite avortée vers Bamako. La décision est exceptionnelle parce qu’elle a été prononcée contre un policier, explique son avocate. Elle pourrait faire jurisprudence, à moins que le parquet ne fasse appel.
« C’est une décision très rare car c’est une légitime défense contre un policier » qui a été rendue, a expliqué lundi l’avocate Catherine Herrero à Afrik. Non seulement je n’en ai jamais eue, mais je n’en ai jamais entendu parler pour un collègue », ajoute l’avocate, qui défend depuis plusieurs années des sans-papiers poursuivis pour « refus d’embarquement ». Elle réagissait à la décision du Tribunal de Grande instance de Bobigny de relaxer son client, Salif Kamaté, du délit de « violence sur dépositaire de l’autorité publique » au nom de la légitime défense.
Le ressortissant malien de 50 ans avait mordu un agent de la police de l’air et des frontières lors de sa reconduite avortée vers Bamako, le 26 mai dernier, sur un vol Air France. L’escorte assignée à son expulsion a réagi négativement à son refus d’embarquer, exprimé verbalement, et a retenu le grand homme jusqu’à son évanouissement lorsqu’il a commencé à se débattre. « Voyant qu’ils n’avaient pas le dessus, un policier a commencé à lui balancer des coups dans le ventre », a expliqué un témoin à la barre.
Son avocate a plaidé la relaxe en expliquant que Salif Kamaté, rendu malade par un calmant mal administré par les policiers, a « mordu le bras » qui l’étranglait lorsqu’il a commencé à étouffer et à se sentir partir. La présidente de la XVIe chambre du TGI de Bobigny l’a suivie et estimé que les violences de son client avaient été « commandées par la nécessité de la légitime défense », en raison du « caractère manifestement excessif de la contrainte exercée par les policiers ».
Jurisprudence
La décision pourrait-elle permettre aux sans-papiers de se défendre contre les agents de la police de l’air et des frontières (PAF) qui leurs dénient le droit de refuser l’embarquement ? « Je pense que ça peut faire jurisprudence, que ça peut changer les pratiques des policiers et permettre aux juges de rendre ce type de décisions », répond Catherine Herrero. Mais seulement si la décision est maintenue, puisque le parquet a annoncé vendredi son intention de faire appel.
L’histoire récente montre néanmoins que les changements de pratiques ne sont pas aisés. En 2003, la mort de deux étrangers durant une reconduite a poussé les pouvoirs publics français à créer l’Unité nationale d’escorte, de soutien et d’intervention (Unesi), où les agents de la PAF devaient apprendre les « gestes techniques professionnels en intervention » (GTPI). La « technique du pliage », qui avait coûté la vie aux deux sans-papiers, avait été prohibée. Mais depuis la mise en place de cette structure, Catherine Herrero n’a « rien vu » changer. L’avocate précise, comme pour rappeler que la loi existe pour défendre la sécurité des reconduits, qu’elle traite de dossiers de ressortissants pour lesquels la police a « accepté le refus d’embarquer » avant d’en venir à des techniques de coercition musclées.
Vendredi, Salif Kamaté a été reconnu coupable de « soustraction à l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière » et « entrée ou séjour irrégulier ». Deux délits pour lesquels le tribunal a ajourné au 14 mars 2008 sa décision de peine afin de laisser le temps au ressortissant malien de « justifier de démarches de régularisation ».