Des vigiles de la Confédération Générale des Travailleurs (CGT) ont expulsé, mercredi, aux alentours de midi, une cinquantaine de travailleurs sans-papiers qui occupaient la Bourse du Travail du IIIe arrondissement de Paris. Profitant de la manifestation qui mobilisait une bonne partie des occupants de la Bourse, les vigiles du syndicat de travailleurs ont récupéré leurs locaux. Les affrontements entre vigiles du syndicat des travailleurs et grévistes ont conduit à l’arrivée massive des forces de police et au délogement des 1300 travailleurs sans-papiers isolés qui occupent les lieux depuis 419 jours. Reportage.
À la Bourse du Travail, ce mercredi 24 juin a commencé comme un autre. Mobilisés depuis plus d’un an, les travailleurs sans-papiers ne tenaient plus compte des menaces d’expulsion que la Confédération Générale des Travailleurs (CGT), locataire des lieux, leur adressait régulièrement par courrier. La dernière en date, annoncée dimanche dernier lors de la fête de la musique de la Bourse occupée, a interpellé la Coordination des Sans-Papiers 75 (CSP 75). Mais, encore une fois, les occupants pensaient faire face à une énième intimidation du syndicat.
Depuis le 2 mai 2008, les quatre collectifs de sans-papiers réunis au sein de la Coordination des Sans-Papiers 75 (CSP 75) et les travailleurs sans-papiers isolés occupent la Bourse du Travail qui abrite les locaux de la CGT. Cette décision a été motivée par le refus de la CGT de défendre au même titre les travailleurs sans-papiers isolés et les travailleurs sans-papiers grévistes. Les travailleurs sans-papiers isolés ne sont autres que des employés corvéables à merci et dépendants de la discrétion de leurs patrons. Pourtant, ils participent au développement économique de la France, vivent et font vivre leurs familles restées en Afrique, certains depuis plus de vingt ans. Créée en 2002 à l’occasion de l’occupation de la Basilique de Saint Denis, la CSP 75 réclame la régularisation par le travail de ces personnes.
Une expulsion musclée
Mercredi, alors qu’une bonne partie des travailleurs sans-papiers de la Bourse du Travail est partie manifester, une trentaine de vigiles de la CGT ont expulsé la cinquantaine d’occupants restée dans les locaux. Selon Djibril Diaby, délégué de la CSP 75, des affrontements se sont ensuivi au cours desquels des délégués de la CSP ont été gazés. Alertés, les gardiens des locaux de la Mairie de Paris ont fait appel aux forces de police qui se sont déployés en grand nombre devant le bâtiment.
C’est donc dans l’agitation la plus totale que travailleurs sans-papiers isolés et délégués de la CSP 75, escortés par la police, ont sorti leurs affaires de la Bourse du Travail. Baluchons, matelas et couvertures ont atterri devant l’entrée principale du bâtiment. Très vite, les soutiens ont rejoint la Coordination et ont clamé leur mécontentement.
Boulevard du Temple, plus de vingt-cinq camions de CRS bouchaient la vue, rejoints, en début de soirée, par une quinzaine de cars de gendarmerie. Des cordons de CRS canalisaient les sympathisants revenus de la manifestation tandis que, sur l’autre trottoir, les forces de police calmaient la tension suscitée par l’apparition de syndicalistes de la CGT à l’intérieur du bâtiment, de l’autre côté des grilles bloquant les portes d’accès de la salle de conférence. Le président du nouveau collectif de sans-papiers du 17e arrondissement de Paris, Abdoulaye Ly, assistait à la scène, attéré : « Regardez tous ces CRS… On n’est pas des criminels ! On est des travailleurs ! »
Sur le trottoir, perplexité et rage s’exprimaient. D’un côté, journalistes et soutiens tentaient de cerner la situation. De l’autre, quelques sans-papiers et sympathisants manifestaient leur mécontentement à être filmés. En effet, l’image de matelas échoués sur le trottoir n’a rien d’élogieux pour le combat de longue haleine de ces 1300 personnes. La couverture médiatique par les médias français de cette occupation autonome et générale a été, durant ces quatorze mois, quasi inexistante alors même que photographes et caméramans ont désiré, ce soir-là, immortaliser les visages dépités des travailleurs sans-papiers.
En début de soirée, les cordons de police s’intensifiaient autour des locaux de la Mairie de Paris. Un filtrage laissait les manifestants sortir mais empêchait tout nouvel arrivant d’entrer. Sur les matelas, les travailleurs sans-papiers échangeaient sur leur situation. Quelques jeunes français habitués aux manifestations attendaient patiemment les altercations avec la police. Les délégués de la CSP hésitaient encore à organiser une Assemblée Générale sur le trottoir. Tous se demandaient s’ils allaient rester sur le pavé ou être délogé en pleine nuit par les représentants de la force de l’ordre. Rafle massive ? Simple délogement ? Occupation d’un nouveau lieu ? Quelle que soit la réponse, le combat continue.
Photos sans papiers : Sylvain Piot
Photo CRS :Mona Abdel Hadi