Explosions au Congo : « Le gouvernement est le premier responsable de la crise »


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Le 4 mars, l’explosion d’un dépôt de munitions à Brazzaville a détruit le quartier de Mpila, au nord-est de la ville, faisant 223 morts, 2 300 blessés et 14 000 sans-abris (bilan provisoire). Roch Euloge Nzobo, chargé des programmes de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH), l’une des principales ONG congolaises décrit une situation humanitaire catastrophique et demande au gouvernement de prendre ses responsabilités.

Afrik.com : Quelle est la situation humanitaire à Brazzaville, deux semaines après l’explosion d’un dépôt de munitions dont le bilan provisoire s’élève à 223 morts, plus de 2 300 blessés et 14 000 sans-abris ?

Roch Euloge Nzobo (Chargé des programmes de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme) : La situation humanitaire suite au drame qui a touché la ville est catastrophique. Les milliers de personnes qui ont perdu leurs logements sont accueillis sur cinq sites situés dans différents quartiers de la capitale. Dans la plupart de ces sites, les conditions sont insalubres. Les sinistrés ne bénéficient pas de suffisamment de tentes pour être accueillis, et n’ont ni accès à l’eau, ni à des sanitaires. On observe les premiers cas de rougeole. Ils manquent également de nourriture. De nombreuses personnes cherchent à partir s’installer chez des amis ou des parents. Si le gouvernement n’est pas capable de gérer ces sites, pourquoi n’en confie-t-il pas la responsabilité à des acteurs reconnus, comme le Comité International de la Croix Rouge (CICR) ?

Afrik.com : Trois jours après le drame, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme a mis en cause les autorités congolaises, pour quelles raisons ?

Roch Euloge Nzobo : D’abord, parce que le gouvernement a mis beaucoup trop de temps à prendre la mesure de la gravité de la situation. Quelques heures après la catastrophe le ministre de l’Intérieur, Raymond Mboulou et le ministre de la Défense, Zacharie Bowao se sont exprimés à la télévision congolaise pour rassurer la population. Ils ont évoqué une situation sous contrôle et peu de blessés alors que, sur place, les familles vivaient un véritable enfer.

Sur le terrain, le gouvernement n’a pas réagi assez vite pour demander de l’aide ou pour faire intervenir les secours. Quarante huit heures après l’explosion, je me suis rendu sur le site de l’explosion, je n’ai vu aucun policier ou gendarme aider les rescapés à la recherche de leurs proches sous les gravats.

Ensuite, quand le gouvernement a mis en place des sites pour accueillir les sinistrés, il n’a pensé à aucun moyen de transport pour leur permettre de rejoindre ces sites. Les infortunés ont dû tenter de les rallier à pieds, en emportant quelques affaires dans des brouettes. Quant à l’accueil dans les hôpitaux, il s’est fait dans de très mauvaises conditions.

On voit bien que le gouvernement n’a pas de plan national de gestion de crise.

Afrik.com Quelle est le rôle d’une ONG comme l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) dans cette crise ?

Roch Euloge Nzobo : D’abord nous veillons à ce que le gouvernement assume ses responsabilités. Le gouvernement est le premier responsable de la crise pour avoir laissé des camps militaires, pleins de munitions, au cœur de la ville. Il a promis une indemnisation des victimes et une reconstruction de logements, notamment d’un quartier d’habitation de 5 000 logements en banlieue de Brazzaville. Mais où ces logements vont-ils être construits ? Dans quel contexte ? A quelle hauteur les populations vont-elles être indemnisées ? Beaucoup de questions restent sans réponses. Nous serons là pour défendre une indemnisation équitable. Le gouvernement va également devoir déplacer les casernes situées en centre ville, et cela ne concerne pas seulement Brazzaville mais plusieurs villes congolaises.

D’autre part, nous avons demandé une enquête internationale indépendante et transparente. Au-delà de la responsabilité du gouvernement, s’il y a des responsabilités individuelles, elles doivent être établies et jugées lors d’un procès équitable.

Afrik.com : L’aide humanitaire internationale est-elle à la hauteur ?

Roch Euloge Nzobo : Il y a beaucoup d’aides et de dons des partenaires du Congo : République Démocratique du Congo, France, Maroc, Etats-Unis, et un véritable élan de solidarité parmi les Congolais, que ce soit de la part de personnes privées, de partis politiques, de commerçants. On voit arriver des équipes de médecins, du matériel médical. Mais les retombées de cette aide ne sont pas suffisamment ressenties par les sinistrés dans les sites d’accueil. Encore une fois c’est la coordination de l’aide qui pose problème dans cette crise : la transmission du matériel médical des ministères vers les sites.

Afrik.com : En savez-vous plus aujourd’hui sur les raisons de l’explosion ?

Roch Euloge Nzobo : Nous avons demandé une enquête internationale et transparente. Aujourd’hui nous n’avons pas de réponse. Le gouvernement a avancé au début de la crise que l’incendie a été provoqué par un court circuit. Mais en l’absence de toute preuve matérielle, cette explication ne nous convainc guère. Nous attendons des réponses.

Propos recueillis par Adrien de Calan

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