Pour les néophytes, l’engagement politique peut paraître complètement irrationnel, voire incompréhensible et même suicidaire. Pour certains, notamment en Afrique, cet engagement répond le plus souvent à un besoin d’enrichissement facile et rapide, au détriment des convictions. La réalité est plus nuancée et complexe.
Sans sous-estimer les avidités d’enrichissement sur les deniers publics, il y a néanmoins de réels engagements politiques par conviction. En Côte d’Ivoire, les exemples sont nombreux. On peut citer Houphouët-Boigny et ses compagnons de lutte pour l’indépendance de notre pays. C’est le cas aussi pour Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara, Henriette Diabaté, Hortense Aka-Anghui, Zadi Kessi Marcel, Guillaume Soro, Blé Goudé, Mamadou Koulibaly et bien d’autres. La principale difficulté en politique, c’est comment exister, se faire remarquer pour pouvoir gravir les échelons jusqu’aux postes de hautes responsabilités.
Se créer une légitimité dans l’adversité politique
Lorsqu’on débute en politique ou qu’on n’est pas connu et qu’on a de très grandes ambitions, il faut trouver le moyens de combler ce déficit, afin d’avoir une réelle visibilité pour exister politiquement. Ce phénomène n’est pas nouveau. Avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, il change de forme et s’accentue davantage. En Côte d’Ivoire, le rapport de force historique entre le Président Houphouët et l’opposant Laurent Gbagbo exprime bien cette réalité. Qu’on le veuille ou non, le Président Gbagbo tient sa légitimité de son affrontement politique et idéologique avec le père de la nation ivoirienne. Oser défier l’autorité et la légitimité du Président Houphouët était un acte politique très fort qui a de fait positionné Laurent Gbagbo comme un acteur de premier ordre dans le champ politique ivoirien.
A la mort du vieux, la bataille légitime pour sa succession, entre Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara a également permis de faire connaître davantage l’actuel chef de l’Etat ivoirien. Cet affrontement politique a donc favorisé une très grande médiatisation de l’opposant Ouattara tant sur le plan national qu’international. Ce rapport de force lui a aussi permis de se faire connaitre encore plus dans son actuel bastion politique, où il était un haut cadre parmi tant d’autres, en dépit de sa qualité de Premier ministre. Cette visibilité politique involontaire avait donc renforcé sa stature et sa légitimité en tant qu’acteur politique majeur ivoirien.
La défiance de l’autorité et l’affrontement politique pour exister
Aujourd’hui, il est de plus en plus évident que pour exister politiquement, il faut trouver les moyens de se forger une personnalité d’acteur incontournable, de manière à se construire une légitimité, par ses actes et une communication intensive. C’est ce qu’avait compris Guillaume Soro en 2002 en prenant, à la surprise générale, la tête de la rébellion dont il n’est pas à l’origine. Il savait que cela allait lui donner une formidable opportunité pour faire une entrée fracassante, mais déterminante dans le cercle fermé des principaux acteurs politiques ivoiriens. Sa confrontation meurtrière avec son ancien mentor, Laurent Gbagbo, l’a naturellement positionné comme un acteur incontournable dans le système politique ivoirien. Sur ce modèle, Blé Goudé s’est lui aussi construit une existence politique dans son rapport de force avec Soro et l’opposant Alassane Ouattara. Aujourd’hui, c’est autour de Konan K. Bertin (KKB), président des jeunes du PDCI-RDA de défier publiquement le président de son parti par un plan de communication international très brutal. En annonçant dès maintenant sa candidature à la Présidence du PDCI-RDA, après avoir ouvert les hostilités contre les Présidents Bédié et Ouattara, KKB sait désormais qu’il vient de franchir la ligne rouge qui doit marquer soit son ascension ou sa mort politique. C’est un risque assumé, mais qui comporte beaucoup d’incertitudes, parce qu’il sait aussi qu’il n’a pas les moyens financiers, humains et politiques d’atteindre son objectif, face aux « crocodiles » de son parti qui dorment toujours les yeux ouverts.