Excision : l’exemple burkinabè


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Le Burkina Faso fait figure de précurseur en Afrique dans la lutte contre l’excision. Loi contre l’excision, comités de lutte dans tout le pays et numéro d’urgence, le pays ne lésine pas sur les moyens. Félicité Bassolé, à la pointe de ce combat, fait le point sur la situation. Interview.

Afrik : Quelles sont les réalités de l’excision au Burkina Faso ?

Mme Félicité Bassolé : Au Burkina Faso, l’excision se déroule en dehors de tout contexte médical. Elle est pratiquée sur des fillettes âgées en général de 0 à 7 ans, à l’aide de lames de rasoir ou de couteaux artisanaux très sommairement aseptisés. Les risques d’infection sont donc très importants. D’autant plus qu’aujourd’hui, pour éviter les plaintes, les exciseuses opèrent des enfants de plus en plus petits, presque des bébés. En ce qui concerne les types d’excision constatés, la grande majorité des filles, autour de 80%, subit une simple ablation du clitoris. Et lorsque parfois les lèvres internes sont enlevées en même temps, c’est la plupart du temps lié à la maladresse des exciseuses. Quant à l’infibulation, elle n’existe pas au Burkina Faso.

Afrik : Quelles sont les raisons les plus souvent avancées pour justifier ces pratiques ?

Félicité Bassolé : L’enquête que nous avons effectuée fait apparaître trois motifs principaux. Les deux arguments les plus fréquemment donnés sont la préservation de la virginité ou de l’hygiène des filles. Mais on fait également valoir des raisons religieuses : si une fille n’est pas excisée, elle ne peut faire ses prières. Il existe enfin des justifications d’ordre économique, puisque, dans certaines ethnies, une fille excisée obtient une dot plus élevée. Mais cela reste très minoritaire.

Afrik : Est-il possible d’évaluer le nombre d’excisions pratiquées dans le pays ?

Félicité Bassolé : Nous ne disposons pas d’un chiffre global sur l’ensemble du pays. En revanche, une étude a récemment été menée dans une classe de primaire qui a révélé qu’une fille sur trois était excisée.

Afrik : Quelles peuvent être les conséquences médicales de l’excision ?

Félicité Bassolé : Il y a évidemment des risques d’hémorragie des fillettes au moment de l’opération car elle touche à des zones très innervées. Ce qui peut provoquer une perte de connaissance ou un décès. Mais les autres conséquences sont ressenties bien plus tard. L’excision rétrécit l’ouverture du vagin et réduit l’élasticité des tissus. Cela entraîne des douleurs pendant les rapports sexuels et les règles, mais aussi de nombreuses infections des trompes et des voix génitales. Il y a enfin des risques importants lors de l’accouchement à la fois pour la mère et le foetus. Multiplication des césariennes et des épisiotomies pour la mère, risques de souffrances foetales dues à un travail trop long pour l’enfant.

Afrik : Le Burkina Faso est en avance sur les autres pays africains dans la lutte contre l’excision. Quels sont les moyens mis en oeuvre ?

Félicité Bassolé : Une loi contre l’excision a été adoptée dès 1996 qui prévoit une peine d’emprisonnement et une amende non seulement pour l’exciseuse mais aussi pour tous ses complices, la famille et ceux qui tiennent la petite fille pendant l’opération. Mais nous misons aussi sur la sensibilisation de toutes les couches sociales, car ces pratiques perdurent grâce à une méconnaissance des conséquences.

Afrik : Vous avez également mis en place un SOS excision. Quel type d’appel recevez-vous et quelle suite leur donnez-vous ?

Mme Félicité Bassolé : Les appels peuvent dénoncer des actes commis, mais la plupart du temps ils nous préviennent avant que l’excision ait lieu. Nous prévenons alors les services sociaux de la localité qui se rendent sur place pour s’interposer. En général, les gens sont plutôt déroutés que l’on soit au courant et ne manifestent pas d’hostilité. Malheureusement pour l’instant le numéro n’est pas encore vert et tout le monde n’a pas les moyens d’appeler. Mais nous allons faire en sorte qu’il le soit bientôt.

Afrik : Quelle évolution constatez-vous depuis l’instauration de ces mesures ?

Mme Félicité Bassolé : Il y a quelques années, il était impossible d’aborder ce sujet. Aujourd’hui, le débat est engagé au sein des communautés, quelles que soient les classes sociales. Des dénonciations de plus en plus nombreuses nous parviennent. C’est le signe que cela bouge. Et nous sommes maintenant rejoints par de nombreux pays d’Afrique, comme la Côte d’Ivoire, la Guinée ou le Sénégal. Nous ne relâchons pas nos efforts pour autant. Nous envisageons d’intensifier encore l’information sur les méfaits de l’excision par le biais de centres de documentation pour les étudiants, d’émissions de radio et de télévision. Mais le combat est d’ores et déjà bien engagé.

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