Empreint d’une rigidité et d’un pragmatisme tout anglo-saxons, le plan de Chris Patten suscite crispations et désaccords. D’autant qu’il renforce les capacités de l’Europe à imposer un cadre de partenariat dont les priorités ne sont guère partagées tant au Parlement européen qu’au sein des délégations du Sud.
Les points principaux du plan tant attendu de Chris Patten, Commissaire européen aux relations extérieures, pour » revitaliser » le partenariat euro-méditerranéen, viennent à peine d’être rendus public que, déjà, ils suscitent critiques et controverses au sein même de l’Europe.
Le plan Patten pour corriger les mauvais résultats du programme d’aide économique MEDA 1, qui englobe les politiques des vingt-sept pays de l’espace euro-mediterranéen consiste, certes, en une vaste réforme du partenariat en cours. Mais nombre de voix s’élèvent pour critiquer le fait que MEDA 2, au contenu essentiellement économique constitue la seule pierre angulaire d’un partenariat que d’aucuns voudraient élargir aux questions sociales, politiques, culturelles et aux problèmes de circulation des personnes.
Des priorités économiques
Une demi-heure avant l’annonce du plan, le vice-président du Parlement européen Renzo Imbeni et le rapporteur du partenariat euro-med, l’euro-député français Sami Naïr, se sont montrés extrêmement critiques sur ce point. » Les révisions des ordres des priorités n’ont pas suffisamment intégré les domaines sociaux et culturels, ni la libre circulation des personnes. Tout cela a encore été relégué derrière les questions commerciales et économiques « , a déclaré M Imbeni, critiquant l' » attitude unilatérale de la France « . Le vice-président du Parlement européen, visiblement irrité, a également souligné que l’octroi des 12,75 milliards d’euros, destinés au Sud par l’Europe via la Banque européenne d’investissement et annoncés par les services de Patten, était conditionné au vote du Parlement. » La circulation des personnes entre les deux rives n’est même pas abordée dans la liste des objectifs de ces cinq prochaines années. Cela signifierait que nous sommes toujours incapables d’aborder cette question indépendamment des problèmes de drogue ou d’immigration clandestine, que nous ne savons pas traiter le problème sous l’angle du codéveloppement « , s’est exclamé M Naïr, déplorant que » la proposition de création d’un Observatoire des flux migratoires » n’ait pas été retenue.
C’est à prendre ou à laisser
Le porte-parole de M. Patten, Gunnar Biegan, a balayé ces critiques, déclarant sèchement que MEDA 2 » n’est effectivement qu’un plan de nature économique « . Or, c’est là que le bât blesse. Les ambitions économiques de la Commission se limitent à un objectif politique de stabilisation de la région, quand bien des pays arabes (au Maghreb notamment), qui ont accepté de ne pas conditionner leur présence à un traitement spécifique de la crise au Moyen-Orient, demandent à leurs partenaires européens d’établir une collaboration aux ambitions plus larges.
M. Viegan a annoncé une relance de l’aide au partenariat entre pays du Sud afin de créer une » zone de libre échange à l’horizon de 2010 » entre nations du Maghreb et du Moyen-Orient. Le nouveau plan comprend des dispositions spécifiques pour accélérer les déblocages des fonds, assorties de mesures contraignantes : » Le délai de quatre ans entre l’approbation d’un contrat par les quinze capitales et le versement de l’argent, c’est fini. S’il n’y a pas d’accord, les fonds reviennent au budget général. Autrement dit : c’est perdu « . Le plan de l’ex-gouverneur de Hong Kong ne fait pas l’économie de » pressions positives » envers les pays du Sud. Traduction : la Commission se donne les moyens de dire à ses partenaires du Sud, c’est à prendre ou à laisser.
La Commission va également créer un nouvel organisme, » Europe-aid « , d’ici à la fin de l’année. Il sera doté de moyens humains considérables : deux cent quarante-quatre personnes et cent quarante-cinq délégués dans les pays bénéficiaires, afin de déconcentrer les aides et de bénéficier » de connaissances meilleures que les nôtres, d’experts locaux « . Qui dit expertise de terrain, dit mécanismes de surveillance accrus. La Syrie, le Liban, l’Algérie et l’Egypte rechignent toujours à signer un accord d’association avec l’Europe. » Mécanismes plus lourds dans certains ministères qu’ailleurs « , invoque t-on dans l’entourage de M Patten.
Voir aussi
Védrine : pour une relance du partenariat euro-méditerranéen
Le sommet euro-méditerranéen dans le bourbier du Moyen-Orient
5, 350 milliards d’euros pour les pays de la rive sud