Les participants des deux premières journées du Sommet de la Francophonie organisé à Beyrouth, capitale du Liban sont partagés entre l’inquiétude sur l’avenir du monde et la constatation rassurante que l’identité francophone les conduit à partager les mêmes réactions et les mêmes espoirs : dans un pays encore partiellement occupé, qui se retrouve régulièrement entraîné dans les affrontements entre Israël et les Palestiniens, la tension actuelle qui entoure le retour espéré des inspecteurs de l’ONU en Irak trouve une caisse de résonance naturelle.
Le Président français Jacques Chirac s’est trouvé conforté dans sa position au sein du Conseil de sécurité de l’ONU (pas de résolution unilatérale immédiate autorisant le recours à la force par les Etats-Unis) par le soutien de la grande majorité des pays francophones présents, également soucieux de ne pas voir la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient s’enfoncer dans une crise sans précédent.
Dans le même temps, une même solidarité francophone se fait jour en Afrique de l’Ouest pour tenter de ramener le calme en Côte d’Ivoire entre les mutins surarmés et le gouvernement élu de Laurent Gbagbo : le Président français a accepté de contribuer militairement à la » sécurisation » du cessez-le-feu qui vient d’être conclu entre les deux parties, en donnant un peu de temps à une force d’interposition formée par les pays voisins de se constituer. Pour autant, il a souligné l’absurdité d’une partition du pays, comme résultante de l’actuelle ligne de front.
La francophonie comme un ciment
Face à tous les facteurs de division et d’opposition, la Francophonie apparaît soudain comme un ciment, le moyen de défendre en commun certaines valeurs et certains droits, notamment en matière de paix civile et de légalité internationale. Les principes qui guident les relations entre les nations doivent de plus en plus rejoindre deux grandes règles fondamentales : la transparence et l’indépendance mutuelle. Or la Francophonie est d’abord cela : une collection d’identités diverses, qui se respectent et s’acceptent sans chercher à se dominer ou à s’exclure.
Et c’est sans doute une date historique que marque le sommet de Beyrouth : symboliquement, le Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a fait le voyage, représentant l’un des pays du monde qui a eu avec son identité francophone le plus de difficulté à se réconcilier. L’Algérie, qui n’est ni membre des institutions de la Francophonie ni même observateur, accepte donc d’être présente autour de la grande table qui réunit tant de nations d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, et d’Europe… C’est avec émotion que le discours d’Abdelaziz Bouteflika, héritier des combats de la révolution algérienne, a été entendu à Beyrouth, où il a souligné que le français était pour son pays et sa jeunesse » un atout » et non une menace, » permettant d’élargir l’horizon de la jeunesse algérienne en participant à l’évolution du monde moderne « .
Après Alexandrie, où le président Jacques Chirac était passé sur le chemin de Beyrouth pour inaugurer avec le président égyptien Moubarak la Bibliothèque reconstituée, et où Maurice Druon, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie française, parlait de » renouer le fil de la culture et de la transmission des livres » et de l’Egypte hellénistique comme » source permanente d’inspiration « , ce sont Hervé Bourges, ancien président de TF1, France 2 , France 3 et Jean-Paul Cluzel, président de RFI, qui ont insisté, au Liban, sur le rôle essentiel des images et des oeuvres audiovisuelles pour consolider la vitalité culturelle des pays francophones et pérenniser la pratique de la langue française en prolongeant sa fécondité par des oeuvres nouvelles et fortes.
Euphorie donc dans la capitale libanaise, où les Chefs d’Etat francophones ont le sentiment de se retrouver à l’unisson derrière des valeurs de dialogue et de tolérance qu’il espèrent pouvoir insuffler aux relations internationales. Pour la paix dans la monde, il faut souhaiter qu’ils y parviennent.