Éthiopie : les Tigréens posent leurs conditions pour accepter le cessez-le-feu


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Debretsion Gebremichael
Debretsion Gebremichael

Les autorités du Tigré se sont prononcées sur le cessez-le-feu proclamé par Addis-Abeba. Elles se disent prêtes à s’y soumettre sous certaines conditions qu’il serait difficile au gouvernement fédéral d’accepter.

Alors qu’elles ont repris le contrôle de la plus grande partie de leur territoire, les forces rebelles du Tigré, pressées par l’ONU et plusieurs pays d’accepter le cessez-le-feu proclamé unilatéralement par Addis-Abeba lundi dernier, ont fini par opiner sur la question. C’est à travers un communiqué publié dimanche et qui dresse un chapelet de conditions auxquelles le gouvernement fédéral doit se plier avant toute acceptation du cessez-le-feu. « Sous réserve que nous ayons une garantie à toute épreuve que la sécurité de notre peuple ne sera pas compromise par une deuxième série d’invasions, nous acceptons un cessez-le-feu de principe (…) Néanmoins, avant qu’un accord de cessez-le-feu ne soit formalisé, les problèmes épineux suivants doivent être résolus », lit-on dans le communiqué.

Des conditions difficilement acceptables par le gouvernement fédéral

Au nombre de ces problèmes, il y a d’abord le retour des forces érythréennes et amhara « à leurs territoires d’avant-guerre ». L’intervention et les exactions des troupes érythréennes dès le début de la guerre au Tigré ont été documentées par plusieurs organisations de défense des droits humains. De leur côté, les Amharas ont profité du conflit pour occuper des zones fertiles situées à l’ouest du Tigré, arguant que le TPLF avait illégalement annexé ces terres au début des années 90.

Ensuite, les Tigréens attendent des autorités d’Addis-Abeba qu’elles reconnaissent le « gouvernement démocratiquement élu du Tigré, avec tous ses pouvoirs et ses responsabilités constitutionnelles », et du Premier ministre, Abiy Ahmed, ainsi que du Président Issaias Aferworki de l’Érythrée qu’ils « rendent des comptes » pour les exactions commises au Tigré depuis novembre. Pour ce faire, le « Gouvernement du Tigré » – nouvelle appellation des autorités dirigeantes de la région – souhaite la création d’un « organe d’enquête indépendant » par l’ONU.

Les autres exigences des Tigréens sont : le libre accès pour l’aide humanitaire, le rétablissement des télécommunications, de l’électricité, des opérations bancaires, des lignes aériennes et d’autres services publics, l’organisation d’un dialogue politique dans le cadre de la Constitution fédérale, l’élargissement  des prisonniers tigréens, l’arrêt du harcèlement des Tigréens en Éthiopie, et la mise en place d’une « entité internationale indépendante » qui aura pour mission d’assurer la supervision du cessez-le-feu.

Au vu de ces conditions, les positions des deux camps paraissent inconciliables, étant donné que le régime d’Addis-Abeba n’envisage même pas de discuter avec le TPLF qu’il considère depuis quelques mois comme une organisation terroriste.

Réapparition de Debretsion Gebremichael

Le communiqué du « Gouvernement Tigré » est publié peu de temps après la première sortie médiatique de celui qui était, jusqu’au déclenchement du conflit, le président de la région du Tigré, Debretsion Gebremichael. L’homme a accordé une interview à New York Times. Une première depuis l’ouverture des hostilités et surtout depuis le retour des TDF (Forces de défense du Tigré) à Mekele. « Je ne pensais pas en sortir vivant », a-t-il déclaré, avant de laisser entendre que la sécession du Tigré n’était pas à écarter des possibilités : « La confiance a été rompue. Pourquoi devrions-nous rester ? », s’est-il interrogé. Toutes les options sont toujours sur la table comme le faisait observer Getachew Reda, l’un des porte-parole du TPLF, il y a quelques jours.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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