Éthiopie : le régime d’Addis-Abeba capitule devant la contre-offensive du TPLF


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Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien
Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed

En Éthiopie, le gouvernement fédéral a décrété ce lundi soir un « cessez-le-feu unilatéral et inconditionnel » au Tigré, après près de huit mois de conflit. Cette décision fait suite à la débâcle des forces fédérales qui ont dû battre en retraite face à l’avancée des troupes du TPLF rentrées triomphalement à Mekele, la capitale régionale, ce jour.

« Afin que les agriculteurs puissent cultiver paisiblement, que l’aide humanitaire puisse être distribuée en dehors de toute activité militaire, que les forces résiduelles du TPLF puissent reprendre le chemin de la paix (…), un cessez-le-feu unilatéral et inconditionnel a été décrété à compter d’aujourd’hui, 28 juin, jusqu’à la fin de la saison des cultures ». Voilà l’annonce effectuée, ce lundi soir, par le gouvernement fédéral éthiopien dépassé par la tournure que prennent les événements, depuis quelques jours, dans la province du Tigré.

Alors que sous l’égide du Premier ministre Abiy Ahmed, une offensive a été lancée contre le Tigré dirigé par le TPLF, Mekele, la capitale de la région la plus septentrionale de l’Éthiopie, est tombée au bout de trois semaines de combats entre les mains des forces gouvernementales, obligeant les responsables de cette région à prendre le maquis. De ce maquis, les leaders du TPLF avaient promis au gouvernement fédéral qu’ils ne baisseront jamais les armes tant qu’ils n’auront pas repris le contrôle de leur région. Effectivement, depuis quelques jours, les forces pro-TPLF, qui se font désormais appeler Forces de défense du Tigré (TDF, en anglais) ont lancé une contre-offensive couronnée, ce lundi, par la reprise de la capitale.

Une entrée triomphale des forces pro-TPLF à Mekele

Les éléments armés du TPLF « ont pris le contrôle de la ville (Mekele, ndlr), je les ai vus moi-même, ils sont entrés », a confié à l’AFP, sous anonymat, un membre de l’administration intérimaire mise en place par les autorités d’Addis-Abeba après le départ des anciens responsables issus du TPLF. Selon l’AFP, les troupes du TPLF ont fait leur entrée à Mekele à bord de camions et de voitures. Sur place, elles ont vu des foules en liesse, des populations qui sont sorties dans les rues, drapeaux du Tigré en mains pour les saluer, et manifester leur joie face à ce retournement de situation. Les soldats, à leur tour, ont tiré plusieurs coups de feu en l’air en signe de triomphe.

« La ville est en fête, tout le monde est dehors à danser », a confirmé le membre de l’administration intérimaire dont les propos ont été rapportés plus haut. « Tout le monde est excité, il y a de la musique dans les rues. Tout le monde a sorti ses drapeaux et la musique joue. Je ne sais pas comment ils les ont eus, mais tout le monde a un feu d’artifice », renchérit un habitant qui s’est également confié à l’AFP.

Un véritable camouflet pour Abiy Ahmed

Face à ce retour en force du TPLF, l’administration mise en place dans la région par Addis-Abeba a vidé les lieux, ce lundi, selon le membre de l’administration. « Tout le monde est parti, les derniers sont partis dans l’après-midi, […] la région n’a pas de gouvernement », a-t-il indiqué. Des soldats et officiers fédéraux en place à Mekele auraient également pris la poudre d’escampette, pillant au passage des banques, et réquisitionnant des véhicules appartenant à des particuliers.

Ce cessez-le-feu proclamé unilatéralement et sans condition par le régime d’Addis-Abeba apparaît comme un véritable camouflet pour Abiy Ahmed qui, en novembre 2020, avait annoncé une opération rapide pour balayer les autorités du Tigré, après que les forces tigréennes ont attaqué, selon le Premier ministre, des bases de l’armée fédérale. Près de huit mois après, le pays s’est embourbé dans un conflit sans fin, aggravé par des exactions commises sur les civils et une famine touchant au moins 350 000 âmes, selon l’ONU. Pis, le retour victorieux des forces du Tigré seules face aux troupes fédérales appuyées par les éléments de la région Amhara et l’armée érythréenne signe un cuisant échec du régime d’Addis-Abeba qui confirme que les craintes émises quant aux rapports des forces, à la veille du conflit, étaient fondées.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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