L’Ethiopie est le seul pays au monde à utiliser le calendrier julien. Ses habitants se sont souhaités lundi une bonne année… 1993.
Alors que la planète attendait fébrilement le nouveau millénaire, l’an 2000, et son cortège de manifestations, les Ethiopiens, eux, vivaient des jours ordinaires en pleine année 1992. Ville internationale et capitale diplomatique de l’Afrique oblige, Addis Abeba s’est pourtant mise à l’heure mondiale pour accueillir les étrangers. L’hôtel Sheraton d’Addis Abeba a ainsi accueilli quelques 5 000 personnes lors d’un concert monstre célébrant le nouveau millénaire. Les Ethiopiens étaient venus à la fête en simples observateurs, en touristes pourrait-on dire !
Car c’est lundi dernier que l’Ethiopie a célébré son nouvel an, qui correspond à l’année 1993 du calendrier julien auquel l’Eglise orthodoxe éthiopienne (EOC) se réfère. Plus de la moitié de la population éthiopienne est d’obédience chrétienne orthodoxe, religion officielle du pays jusqu’en 1974. Dans les années soixante, il y avait plus de 17 000 églises en Ethiopie, et dans certaines régions, un homme sur cinq était membre du clergé. La religion chrétienne, qui constitue un élément majeur de la culture éthiopienne, est l’expression d’un profond respect de la tradition : l’Eglise est la gardienne de l’alphabet national unique, l’alphabet de Ge’ez qui date du 1er siècle après J-C.
Selon Kessis Melake Selam Dagnachew, de l’EOC, interviewé par la BBC, l’origine du calendrier éthiopien est la Bible. La raison pour laquelle ce calendrier est unique tiendrait au fait que l’Eglise éthiopienne a toujours eu en sa possession les écrits originaux de l’Ancien Testament, qui ont été perdus par les autres pays. Mais l’origine du calendrier julien, introduit en 45 avant J-C par Jules César, remonte au calendrier solaire de l’ancienne Egypte.
Sept ans et huit mois de retard
Le calendrier julien divise l’année en 12 mois de 30 jours chacun, et les cinq ou six jours restants dans une année bissextile, forment le 13ème mois. La BBC explique que les entreprises à rayonnement international, les institutions financières et les organisations internationales – comme la compagnie aérienne Ethiopian Airlines – ont adopté le calendrier grégorien, mais utilisent en parallèle le calendrier julien.
Le calendrier julien est en retard de sept ans et huit mois sur le calendrier grégorien, et le Nouvel An éthiopien – Enqutatash – tombe le 11 septembre, date qui coïncide avec la fin de la saison des fortes pluies et le début du printemps. Septembre – Meskerem – est perçu comme le mois de la transition et permet à tous d’exprimer espoirs et aspirations. C’est ce qu’ont d’ailleurs fait les éditorialistes des journaux éthiopiens. Celui de l’Addis Tribune espère que » la population et le gouvernement travailleront main dans la main pour régler les problèmes du pays, et concentrer leurs efforts sur le développement économique ».
Cadeaux de bon voisinage
La veille du jour de l’An, les gens du voisinage se rassemblent autour de feux de joie, avant de rendre visite aux parents et amis pour leur souhaiter la bonne année. Le jour même et très tôt le matin, les jeunes filles, vêtues des traditionnelles robes longues de coton blanc et portant des herbes vertes symbolisant la fin de la saison des pluies, font le tour du voisinage en chantant les voeux de nouvelle année. Les jeunes hommes distribuent des cadeaux, des bougies et des colombes, symboles de paix et de prospérité. En retour, ils reçoivent argent ou nourriture.
Les services religieux sont évidemment omniprésents pendant ces deux jours, et l’EOC, qui joue un rôle actif dans la campagne de lutte conte le VIH/Sida en Ethiopie, a profité de la célébration pour appeler la population à lutter contre l’épidémie et à se rapprocher des pauvres.