Éthiopie : Abiy Ahmed admet enfin la présence de troupes érythréennes au Tigré


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Abiy Ahmed
Abiy Ahmed

Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a fini par admettre, ce mardi, la présence de soldats érythréens au Tigré, et a condamné toute violation des droits des populations civiles de la province dont ces troupes se seraient rendues coupables.

Ce mardi, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a admis, devant le Parlement, la présence de troupes érythréennes dans la province du Tigré. C’est la première fois que le Premier ministre admet cette présence, depuis le déclenchement de la guerre au Tigré, en novembre dernier. En effet, alors que des ONG et des diplomates martelaient, depuis des mois, que des soldats du voisin érythréen avaient franchi la frontière pour se retrouver en territoire éthiopien, les gouvernements des deux pays l’ont toujours fermement nié, jusqu’à ce mardi où le chef de l’Exécutif éthiopien l’a ouvertement reconnu, devant le Parlement.

« Après que l’armée érythréenne a traversé la frontière et opéré en Éthiopie, tout dommage qu’elle a causé à notre peuple est inacceptable », a-t-il déclaré, avant de poursuivre : « Nous ne l’acceptons pas parce que c’est l’armée érythréenne, et nous ne l’accepterions pas s’il s’agissait de nos soldats. La campagne militaire était contre nos ennemis clairement ciblés, pas contre le peuple. Nous en avons discuté, quatre ou cinq fois, avec le gouvernement érythréen ».

Selon Abiy Ahmed qui rapporte les propos des autorités érythréennes, ces dernières auraient décidé d’intervenir directement au Tigré après que le TPLF a tiré des roquettes sur leur territoire. « L’Érythrée nous a dit qu’elle avait des problèmes de sécurité nationale et que, par conséquent, elle avait saisi des zones à la frontière », a laissé entendre le Premier ministre.

Fin février, Amnesty International avait publié un rapport accusant l’armée érythréenne de crimes de guerre au Tigré. « Les preuves sont accablantes et mènent à une conclusion effrayante. Les troupes éthiopiennes et érythréennes ont commis de multiples crimes de guerre dans leur offensive pour prendre le contrôle d’Aksoum », avait affirmé Deprose Muchena, directeur régional d’Amnesty International pour l’Est et le Sud de l’Afrique, avant d’ajouter : « Plus encore, les troupes érythréennes se sont déchaînées et ont méthodiquement tué des centaines de civils de sang-froid, ce qui semble constituer des crimes contre l’humanité. Cette atrocité compte parmi les pires documentées, à ce jour, dans ce conflit ».

Avoir finalement admis la présence des soldats érythréens au Tigré après des mois de dénégation, constitue une avancée et donne à espérer que dans les jours qui viennent, les autorités éthiopiennes et érythréennes reconnaîtront aussi que des crimes ont été perpétrés dans la province. Et alors, cette phrase de Abiy Ahmed prendra tout son sens : « Le gouvernement érythréen a sévèrement condamné les abus présumés et a déclaré qu’il prendrait des mesures contre tout soldat qui en serait accusé ».

C’est en novembre dernier que Abiy Ahmed a lancé une opération militaire contre le TPLF, parti dirigeant de la province du Tigré dont les forces auraient attaqué des bases de l’armée fédérale. Il s’agit en réalité de l’aboutissement d’un bras de fer de plusieurs mois entre les deux parties. Si le Premier ministre éthiopien a déclaré la fin de la guerre, depuis le 28 novembre, dans la réalité, les hostilités sont loin d’être terminées, certains dirigeants du TPLF ayant promis, depuis le maquis, de continuer le combat.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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