Depuis l’arrivée des Africains dans ce qui deviendra les États-Unis, la question de la dénomination a été centrale pour l’identité noire. La capacité de s’identifier, en tant qu’individu et comme groupe, est un acte d’autodétermination. Tout au long de notre histoire, les noms choisis par les noirs pour s’identifier représentent également des efforts de présenter une identité et un sentiment d’agent-contrôleur qui est beaucoup plus grand que l’espace confiné à eux alloué par une société suprématiste historiquement blanche.
Les premiers habitants noirs du Nouveau Monde étaient « Noirs » ou « Africains » – appelés ainsi par leurs ravisseurs européens. Il est très improbable que les captifs se soient compris comme étant Africains, car leur sentiment identitaire fondamental était peut-être la langue, la parenté, la famille, le clan et le groupe ethnique.
Ils se sont peut-être compris comme étant originaires d’une région particulière ou d’un ensemble des pratiques religieuses. Jusqu’au moment où ils ont commencée à se comprendre comme « Africain », c’était comme un élément défini comme autre que les Blancs : Essentiellement une différence de couleur de peau mais aussi de croyance, de conduite et de sensibilité.
Finalement ils allaient accepter la désignation d’Africain. Ceux qui étaient libres utilisèrent même le terme « African » pour identifier leurs premières institutions :African Methodist Episcopalian, African Methodist, First African Baptist, The African Free School. De manière significative, bien qu’on les appelait également « Noir », plus souvent que non, ils choisirent plutôt la désignation d’ « Africain ». Pourtant, alors que les efforts pour encourager la colonisation commencèrent à grandir au 19ème siècle, beaucoup de noirs ont commencé à insister sur leur identité d’Américains et sur leur investissement et leur contribution à la nation en plein essor.
Tout au long des 18ème et 19ème siècles, les Africains asservis et leurs descendants allaient de différentes manières faire allusion à eux comme « Noir », « negro », « Coloré » et « africain-américain ».
Avec le mouvement de conscience noir des années 60, les jeunes noirs adoptèrent le terme « Noir », qui avait auparavant été utilisé de manière péjorative.
Le mot « Noir » était perçu comme un terme qui embrassait et incluait des personnes à la peau noire à travers le monde : une désignation qui marquait la force, la beauté et le nombre.
Ce terme était également libre de toute association avec une nation, un état, ou même l’hémisphère Occidental
De manière significative, aucun des tout premiers termes n’avait été utilisé pour ne signifier que la couleur de peau, tout comme ces personnes s’appelant « Africain », « africain-américain », « Negro », « Colored » et « Noir » qui étaient de toutes les couleurs imaginables.
Fondamentalement, il s’agissait là de désignations politiques, culturelles et historiques. (Pendant les années 80 de jeunes activistes britanniques ont commencé à utiliser le terme « Noir » pour identifier à la fois des personnes afrodescendantes et ceux dont les ancêtres venaient de l’Inde.)
Lorsque le Révérend Jesse Jackson a vulgarisé le terme africain américain dans un discours en 1988, c’est devenu une façon de reconnaitre à la fois une identité nationale ainsi qu’une relation avec tous les afrodescendants.
Il n’est pas surprenant que le terme soit rentré dans l’usage populaire pendant la campagne Présidentielle 1988 de Jackson. Au cours des deux dernières décennies, la question de l’identité noire aux États-Unis reste vivante.
Cette fois, le défi ne provient pas d’une force raciste extérieure mais des différences intra-raciales rendues plus évidentes par l’immigration à grande échelle des noirs du continent Africain et des Caraïbes.
Bien que de tels immigrants soient toujours venus aux États-Unis, les pressions de la lutte des noirs pour la liberté pendant les années 60 ont conduit à l’Immigration Act de 1965, qui a révisé les nombreuses restrictions basées sur la race contenues dans la législation précédente.
Par conséquent, le nombre de noirs ayant des racines plus directes en Afrique Sub-saharienne a triplé au cours des vingt dernières années, tandis que le nombre d’immigrants en provenance des Caraïbes a augmenté de presque 60 %. Ces changements démographiques défient les limites du vocable Africain américain.
L’expression en elle-même est certainement assez large pour couvrir tous ces groupes, mais elle ne reconnaît pas la spécificité historique de chacune de leurs expériences et leur rapport historique avec l’état nation.
Pourtant, dans cette ère de globalisation accrue, cette expression est peut-être trop étroite.
Je partage l’avis de la poétesse Gwendolyn Brooks, qui préféra toujours le terme « Noir », parce qu’il incluait les gens à travers le monde entier – de l’Afrique à l’Asie, l’Europe, du Pacifique Sud et des Amériques.
Par Farah Griffin, professeure d’Anglais et de Littérature Comparée et des Études Africaines-Américaines, directrice de l’Institut de Recherche en Études africaines-américaines (Institute for Research in African-American Studies) à l’Université de Columbia.