Et si Obama était africain?


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Imaginons Obama dans les traits d’un milliardaire afro-américain, né aux Etats Unis de père originaire d’un pays d’Afrique imaginaire (que nous appelons ici l’Okapie) et d’une mère américaine. Bien qu’ayant grandi aux States, il n’a pas coupé les ponts avec le pays de son père qu’il considère comme sa vraie patrie. Révolté par le sort des siens, il monte une association humanitaire pour récolter des fonds et venir en aide aux populations de son pays. Grâce à son carnet d’adresses et sa fortune personnelle, il réunit en un rien de temps un véritable trésor de guerre qu’il investit à tour de bras. L’association se dote aussitôt, telle une pieuvre géante, de milliers de tentacules éparpillées jusqu’aux villages les plus reculés de l’Okapie. En quelques mois, le résultat est spectaculaire : écoles, centres de formation, hôpitaux, routes, bourses aux étudiants… Il est d’abord accueilli en héros par les autorités okapiennes qui lui déroulent le tapis rouge, trop contentes de
récupérer politiquement les dividendes de son action. Mais la lune de miel vire à l’orage lorsqu’Obama, poussé par les jeunes qui voient en lui le sauveur, dévoile ses ambitions politiques. Pour le président okapien, la situation est grave. Jamais dans l’histoire du pays, un homme politique n’avait suscité autant d’enthousiasme, d’élan d’espoir et de solidarité qui va au-delà des clivages ethniques, régionaux ou religieux.

Une task force autour du président lui-même a été convoqué d’urgence pour contrer le phénomène. La consigne est claire : pas question de l’affronter sur le terrain électoral. Car un sondage commandé en secret révèle que tout scrutin se transformerait en plébiscite pour Obama avec plus de 90% des suffrages ! Sa tête est alors mise à prix. Pour se faire, un bataillon de juristes de haut vol est recruté au sein d’une cellule spéciale. Il s’agit ici de procéder à un toilettage astucieux de la constitution et notamment des conditions d’éligibilité, de créer les critères juridiques pour le liquider politiquement. L’angle d’attaque est vite trouvé. L’article 27 est ainsi modifié comme suit : « Tout candidat à la fonction présidentielle doit être né en Okapie, de père ET de mère okapienne. » Pour que la manipulation ne soit pas trop visible, un alinéa a été rajouté pour définitivement brouiller les pistes : « le candidat doit résider les cinq dernières années sur le territoire na
tional avant l’élection ». Et bien sûr l’amendement est passé comme une lettre à la poste à l’Assemblée et validé par la Cour Constitutionnelle. En amont une violente campagne médiatique est menée pour faire passer la pilule à l’opinion publique. La presse pro-gouvernementale se déchaîne dans ses colonnes : « Comment peut-il prétendre nous diriger alors qu’il ne parle pas un seul mot de l’okapien ? Cet homme est le cheval de Troie de l’impérialisme américain qui veut faire main basse sur les richesses de notre pays. Il a cru qu’en distribuant quelques ordinateurs pourris ici et là, il pouvait acheter nos consciences… ».

Pour Obama, le chemin de croix ne fait que commencer. Mis en résidence surveillée, il est harcelé par la police à chacune de ses sorties en même temps qu’une véritable inquisition fiscale se met en route. Si bien que dégoûté par tant d’injustices et pour éviter l’épreuve de force avec le pouvoir pouvant déboucher sur un bain de sang, il décide de jeter l’éponge. Peine perdue. Car malgré ses appels au calme, ses supporters, jeunesse frondeuse en tête, se soulèvent par milliers pour en finir avec la dictature. La soldatesque qui ne fait pas dans la dentelle ouvre le feu sur la foule de manifestants. Non content de ramener le calme sur le macadam, la répression se poursuit : rafles, enlèvements, viols, tortures, exécutions sommaires… Face au tollé de la communauté internationale et la mobilisation de la diaspora, les autorités dénoncent une inacceptable ingérence et rejettent toute négociation avec l’opposition.

Tout ceci n’est que de la pure fiction, n’est-ce-pas ? Sauf que des observateurs avertis de la politique africaine ont pu deviner derrière ces scenarii des fragments de l’histoire récente (et bien réelle) des pays comme la Côte d’Ivoire, le Togo ou le Zimbabwe. Aujourd’hui, l’Afrique est fière qu’un de ses ‘’fils’’ soit installé à la Maison Blanche. Mais qu’en serait-il si Obama était africain ? Posons-nous la question.

Lawal Balogoun

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